La Cour commune de justice et d’arbitrage, – CCJA -, est l’organe juridictionnel de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, – Ohada -. Elle a pour mission de veiller à l’interprétation et à l’application uniforme des normes communautaires dans les États parties. Ces missions ne peuvent efficacement être exercées que si la Cour est saisie dans le cadre des demandes d’avis et surtout des recours en cassation ou en annulation dirigés contre les ordonnances, jugements et arrêts des juridictions nationales[1].
Dans cette brève analyse, il sera question d’établir la marche à suivre pour saisir la CCJA en cassation d’une décision. Cette procédure est décrite dans le Règlement de procédure telle que modifié et complété à ce jour plus spécialement en ses articles 23 , 27 , 27bis et 28 .
1. Le Ministère d’avocat est obligatoire devant la Cour
Primo, il faut consulter un avocat. Dans l’arrêt n° 095/2018 rendu le 26 avril 2018, la CCJA a rappelé l’obligation d’assistance par un avocat lors des recours formés devant elle.
Il a été décrété de l’irrecevabilité dudit pourvoi car le requérant n’avait pas eu recourt au ministère d’avocat.
Il ressort de cet arrêt : « […] qu’aux termes de l’article 23(nouveau)-1. du Règlement de procédure de la Cour de céans, « le ministère d’avocat est obligatoire devant la Cour … » ;[…] qu’en l’espèce, Maître Ahumah a non seulement confirmé par écrit son absence de constitution dans cette affaire et n’a pas démenti […] à son confrère Folquet Diallo […] ; que le pourvoi formé devant la Cour de céans par monsieur Kouadio Amani contre l’arrêt susvisé sans recourir au ministère d’avocat viole les dispositions de l’article 23 (nouveau)-1 du Règlement de procédure susmentionné et doit être déclaré irrecevable […].
L’avocat ainsi constituer doit justifier de sa qualité et produire un mandat spécial de la partie qu’il représente. L’absence du mandat spécial pouvant être assimilée à une initiative privée de l’avocat[2].
Toutefois, la régularisation d’un mandat est possible. Un recours introduit par un avocat dépourvu d’un mandat spécial au moment de son dépôt, et ayant régularisé sa constitution par la suite est donc recevable (voy. arrêt n° 027/2013 du 18 avril 2013).
En effet, le reglement de procécure n’exige aucune forme particulière au mandat spécial et peut donc être librement rédigé, l’essentiel étant de faire ressortir la mission confiée à l’avocat qui est celle d’agir en lieu et place de la partie à la CCJA.
L’avocat ainsi constitué doit introduire le recours dans un délai précis.
2. Le recours en cassation doit être présenté dans les deux mois de la signification ou de la notification de la décision attaquée
Le pourvoi en cassation introduit plus de deux mois après la signification de la décision, objet du pourvoi est irrecevable (voy. arrêt n°070/2016 du 21 avril 2016 ).
A ce délai de deux mois, il y a lieu d’ajouter le délai de distance en fonction du lieu de situation du domicile du défendeur au pourvoi (voy. décision 002/99/CCJA du 04 février 1999 augmentant les délais de procédure en raison de la distance).
Le point de départ du délai de recevabilité d’un recours en cassation est le lendemain de la signification de la décision déférée. Il s’agit d’un délai franc qui ne prend en compte ni le jour au cours duquel survient la signification ni le dernier jour au cours duquel expire le délai. Cependant pour des raisons exceptionnelles, le délai peut être suspendu (voy. décision n° 009/2011/CCJA du 16 mai 2011 suspendant les délais de procédure en raison de la crise socio-politique en Côte d’Ivoire).
Par ailleurs, l’absence de signification d’un arrêt n’entraine pas l’irrecevabilité du pourvoi. Il ressort de l’arrêt n° 037/2016 du 29 février 2016 que : « la signification d’un arrêt n’est pas la condition du recours contre celui-ci mais marque plutôt le point de départ de la computation du délai dans lequel le recours doit être exercé ; qu’ainsi, les dispositions du Règlement de procédure de la Cour de céans n’interdisent pas les recours faits avant la signification de la décision attaquée ».
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In specie, et pour ce qui est de la République démocratique du Congo, pays d’Afrique centrale, le recours est présenté au greffe de la Cour dans un délai de deux mois à compter de la signification de l’arrêt attaqué, augmenté de 21 jours en raison de la distance.
3. Les contenus du recours et pièces
Le recours en cassation doit contenir :
- Le nom et domicile du requérant ;
- Le nom et domiciles des autres parties à la procédure ainsi que de l’avocat devant la juridiction nationale ;
- Les conclusions du requérant et moyens invoqués à l’appui de ses conclusions ;
- La détermination des actes uniformes ou des règlements prévus par le Traité dont l’application dans l’affaire justifie la saisine de la Cour ;
- La décision de la juridiction nationale faisant l’objet du recours doit être annexée à ce dernier ; mention doit être faite de la date à laquelle la décision attaquée a été signifiée au requérant ;
- Si le requérant est une personne morale, il joint à sa requête ses statuts ou un extrait récent du RCCM ou toute autre preuve de son existence juridique et la preuve que le mandat donné à l’avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet.
Pour ce qui est des conclusions du requérant et des moyens invoqués, il faut dire que la CCJA, sur fond des dispositions de l’ article 28 bis du Règlement de procédure, a arrêté, dans son arrêt n° 002 rendu le 24 janvier 2019, qu’un moyen qui assimile deux cas d’ouverture à cassation – notamment le défaut de motifs et le manque de base légale – sans les spécifier, est à la fois vague et imprécis et ne permet pas à la Cour d’apprécier sa pertinence. Et partant est irrecevable.
Lire Quel sort réserve la CCJA à un moyen qui confond deux cas d’ouverture à cassation ?
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Aussi, un pourvoi qui n’invoque pas la violation d’un acte uniforme ou des règlements prévus au Traité est toujours irrecevable.
Sur ce, voici une liste des pièces à produire :
- Le recours lui-même[3] ;
- La décision de la juridiction nationale attaquée ;
- L’exploit de signification (facultatif) ;
- Les statuts ou extrait récent du RCCM ou tout autre preuve de l’existence juridique lorsqu’il s’agit d’une personne morale ;
- Le mandat spécial donné à l’avocat ;
- L’indication d’un domicile élu au siège de la Cour, le cas échéant[4] ;
- La preuve de la qualité de l’avocat du conseil constitué ;
- Et tous autres pièces invoqués dans le pourvoi.
[1] J. Wambo, La saisine de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’Ohada en matière contentieuse, 2e éd., Douala, p. 5
[2] Un mémoire en réponse présenté par un avocat non muni d’un mandat spécial est irrecevable et ne saisit pas la CCJA des moyens qui y sont invoqués.
[3]Le recours est accompagné de toutes les annexes, est présenté avec une copie pour la Cour et autant de copies qu’il y a de parties en cause ; ces copies sont certifiées conformes par la partie qui les dépose. L’original de tout acte de procédure doit être signé par l’Avocat de la partie. Les langues de travail sont : Anglais, Espagnol, Français et Portugais. La langue de procédure est choisie par le requérant.
[4] En effet, l’élection de domicile au lieu où la Cour a son siège n’est pas obligatoire ; toutefois, le recours peut indiquer, le cas échéant, le nom de la personne qui est autorisée et qui a consenti à recevoir toutes significations où la Cour a son siège. Attention : un recours signé par un avocat sans mandat, auprès de qui il a été élu domicile est irrecevable (voy. arrêt n° 110/2017 du 11 mai 2017).