Un moyen qui imbrique ou confond deux cas d’ouverture à cassation, notamment le défaut de motifs et le manque de base légale, sans les spécifier, est à la fois vague et imprécis. Et partant est irrecevable.
L’arrêt n° 002 rendu le 24 janvier 2019 par la Cour commune de justice et d’arbitrage – CCJA –, relève qu’un tel moyen ne permet pas à la Cour d’identifier le grief véritablement fait à l’arrêt attaqué et d’apprécier sa pertinence.
Cependant, l’on s’interroge notamment si un recours en cassation ne devrait se baser que sur un seul cas d’ouverture ? ou est-ce l’imbrication ou la non-spécification des cas d’ouverture qui entraîne l’irrecevabilité du moyen ? quelle différence la CCJA ferait-elle entre un moyen de cassation contenant des cas d’ouverture à cassation imbriqués, et un moyen de cassation contenant plusieurs branches ?
Le contexte de l’arrêt 002/2019 du 24 janvier 2019
Le 23 juin 2004, la société Transinor faisait pratiquer une saisie-attribution contre la société Delta Industries International entre les mains de plusieurs banques et établissements financiers. Cela en exécution d’une grosse en forme exécutoire d’un procès-verbal de conciliation dressé par le Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo.
La Société Générale de Banques au Cameroun – SGBC -, l’une des banques auprès de qui la saisie a été pratiqué, déclarait que le solde de la société Delta Industries International en ses livres était créditeur. Estimant cette déclaration inexacte et incomplète, la société Transinor saisissait le président du Tribunal de première instance de Douala- Bonanjo, à l’effet de condamner la SGBC au paiement des causes de la saisie. Par une ordonnance rendu le 02 août 2007, ladite juridiction l’avait déboutait de son action. Saisie sur appel de la société Transinor, la Cour d’appel du Littoral rendait alors l’arrêt objet du pourvoi en cassation, dans lequel elle condamnait la SGBC au paiement des causes de la saisie et aux dommages-intérêts.
La SGBC estimait que l’arrêt attaqué n’était pas suffisamment motivée et manquait de base légale.
Le fondement de l’arrêt 002/2019
La CCJA, sur fond des dispositions de l’ article 28 bis du Règlement de procédure, a arrêté qu’un moyen qui assimile deux cas d’ouverture à cassation – notamment le défaut de motifs et le manque de base légale – sans les spécifier, est à la fois vague et imprécis et ne permet pas à la Cour d’apprécier sa pertinence dès lors que le libellé énonce la violation des articles 161 et 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Dans pareil cas, la demanderesse en cassation fait un imbroglio, une présentation brouillée et/ou désordonnée des moyens qui ne rendrait pas la tâche de compréhension et de réplique aisée.
En effet, selon les prévisions de l’ article 28 bis du Règlement de procédure, la CCJA réservera une fin de non-recevoir à ce genre de moyen en application de l’ article 28 ter du même Règlement selon lequel à peine d’irrecevabilité, un moyen de cassation ou un élément de moyen de cassation doit mettre en œuvre au moins un cas d’ouverture.
A titre illustratif, l’article 28 bis 4ème tiret du Règlement de procédure de la CCJA, dispose que : « Le recours en cassation est fondé sur : Le défaut, l’insuffisance ou la contrariété des motifs ; »
Le législateur Ohada utilise la conjonction « ou », ce qui signifie que le recours en cassation peut être fondé soit sur le défaut des motifs, soit sur l’insuffisance des motifs, soit sur la contrariété des motifs et non sur toutes les trois hypothèses à la fois.
Lorsqu’alors un demandeur en cassation, pour assoir un moyen, utilise les trois hypothèses, il est logique que ce moyen puisse être déclaré irrecevable. Ainsi, pris sous cet angle, ce fondement devient incompréhensible, indigeste, obscur et finalement, ne peut plus être pris en considération dans la mesure où on ne peut pas se retrouver devant un défaut de motifs, c’est-à-dire un motif qui n’existent pas, et au même moment ou dans un même contexte, ces mêmes motifs qui n’existent pas, sont insuffisants. De plus, tout en étant inexistants, ces mêmes motifs se contredisent alors que pour leur contradiction, les motifs doivent d’abord exister et être suffisants dans leur élaboration et/ou développement.
En matière de logique et d’argumentation juridique, lorsque deux moyens ou deux arguments se contredisent, dans le sens où dans la première hypothèse il est affirmé son existence et dans la seconde son inexistence ou son défaut, les deux moyens ou arguments s’anéantissent ou se paralysent réciproquement et on en arrive à l’absence ou l’inexistence de tous les deux arguments.
Ainsi, un demandeur sème bel et bien la confusion dans son moyen à cassation dès lors qu’il soutient qu’il y a défaut des motifs et manque de base légal dans l’arrêt objet du pourvoi mais que dans son développement il cite des dispositions d’un acte uniforme qui seraient violées par les juges d’appel. La CCJA a conclu logiquement à l’irrecevabilité d’un tel moyen qui imbrique le deux cas d’ouverture à cassation sans le spécifier.
Consulter l’arrêt 002/2019 du 24 janvier 2019
Par Trésor Ilunga Tshibamba
Avocat à la Cour d’appel
Les praticiens de droit devraient se servir de cet article très interessant afin d’éviter les irrecevabilités devant la Haute Cour.
Cheick.
Important pour faire un memoire devant la CCJA.