Le juge des référés n’est pas compétent pour statuer sur les incidents en matière de saisie immobilière après l’audience adjudication. Seul le juge de l’audience éventuelle connait des incidents ou demandes en matière de saisie immobilière formulés avant ladite audience. Les demandes sur des faits intervenus après l’audience éventuelle doivent être présentées à peine de déchéance, huit jours avant l’audience d’adjudication.
C’est ce qui résulte de l’interprétation de l’article 299 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution faite par la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, « CCJA », de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, « OHADA », dans son arrêt n° 091/2018 du 26 avril 2018.
Les faits : la société SANINE était débitrice dans les livres de la Banque Populaire Maroco-Centrafricaine. Le remboursement de cette créance était garanti par la société AMIGOS qui s’était portée caution en hypothéquant son immeuble. Faute de paiement de la créance devenue exigible, la Banque a entrepris contre sa débitrice, ainsi que la caution, une procédure de saisie immobilière.
Ainsi, la Banque a servi un commandement de saisie immobilière à la société SANINE dans le même acte, et le même jour, il a été fait sommation à la société AMIGOS de payer l’intégralité de la créance, en principal et intérêts. Faute de réaction de leur part, la Banque a fait servir un commandement afin de saisie. Après rédaction et dépôt du cahier des charges au greffe du Tribunal de grande instance, la Banque a sommé ses débiteurs à prendre communication du cahier de charges afin d’y insérer les dires et observations jusqu’au cinquième jour précédent l’audience éventuelle sous peine de déchéance.
Cependant, à la date de l’audience éventuelle, les dires et observations n’ont pas été déposés et la date de l’audience d’adjudication a donc été fixée. A l’audience d’adjudication, la Banque a été déclarée adjudicataire de l’immeuble hypothéqué. Sur appel formé par les deux sociétés contre le jugement d’adjudication, la Cour d’appel de Bangui avait déclaré irrecevable ledit appel.
Dans l’entretemps, les deux débiteurs, la société SANINE et la société AMIGOS avaient saisi le Tribunal de grande instance de Bangui, statuant en référé, respectivement d’une requête aux fins d’annulation de l’exploit du commandement de saisie immobilière et d’une requête en annulation de l’acte de sommation de prendre communication du cahier des charges. Ledit Tribunal avait alors pris deux ordonnances dans lesquelles il a débouté les deux sociétés de leur demande. Sur les appels distincts des deux sociétés, la Cour d’appel de Bangui, statuant en matière de référé, avait ordonné la jonction des deux procédures par l’arrêt avant dire n° 112 du 15 mars 2016 et, statuant en matière de référé sur celles-ci, avait rendu le 12 avril 2016, l’arrêt n° 090. C’est donc contre ces deux arrêts que la Banque a formé son recours devant la CCJA.
Fondement de l’arrêt n° 091/2018
A l’examen de la cause, la CCJA a soulevé d’office un moyen tiré de la violation de l’article 299 AUPSRVE. La Haute juridiction communautaire a fait observer que les arrêts contre lesquels le recours a été formé devant elle ont été rendus par le juge d’appel statuant en référés à la suite des requêtes introduites auprès du Tribunal de grande instance, statuant en référé, aux fins d’annulation de l’exploit du commandement de saisie immobilière d’une part, et, d’autre part, d’annulation de l’acte de sommation de prendre communication du cahier des charges.
Ces demandes sont des contestations ou incidents en matière de saisie immobilière et doivent être présentées au juge de l’audience éventuelle, s’agissant des faits ou actes intervenus à partir du commandement jusqu’à l’audience éventuelle et, pour ceux intervenus à partir de l’audience éventuelle, ils doivent être présentés au juge huit jours avant l’audience d’adjudication.
Par ailleurs, l’adjudication intervenue a purgé toutes les irrégularités qui n’ont pu être invoquées en leur temps devant le juge compétent. Ainsi, in specie, les décisions rendues en première instance par le juge des référés et en appel par le juge d’appel statuant en référé l’ont été par des juridictions incompétentes. La CCJA a donc annulé ces deux décisions.
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