Dans son arrêt n° 83/2016 du 28 avril 2016, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, – CCJA -, a eu l’avantage d’indiquer une des matières qui ne relève pas de sa compétence. Il s’agit du droit du travail – cette matière n’étant régi par aucun acte uniforme.
Bon à savoir : l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, – Ohada -, a déjà élaboré et mis en vigueur 10 Actes uniformes qui couvrent divers domaines de la vie économique : le droit commercial général, le droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, le droit des sociétés coopératives, le droit des sûretés, le droit des procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, le droit des procédures collectives d’apurement du passif, le droit comptable et à l’information financière, le droit du transport des marchandises par route, le droit de l’arbitrage et le droit de la médiation.
Le contexte de l’arrêt n° 83/2016 rendu le 28 avril 2016
Monsieur Esmail avait conclu un contrat de travail à durée indéterminée avec la société Fûts Métalliques de l’Ouest Africain, – Fumoa -, en qualité de directeur des opérations commerciales et industrielles.
Le 17 septembre 2007, à la suite de la délibération du conseil d’administration de ladite société, le poste de directeur des opérations industrielles et commerciales avait été supprimé et Monsieur Esmail avait donc été révoqué pour motif économique lié à une réorganisation intérieure.
Monsieur Esmail avait alors saisi le Tribunal du travail de Dakar d’une action en paiement des indemnités légales de rupture. Aux termes de la décision dudit Tribunal, le licenciement de Monsieur Esmail était abusif. Une condamnation s’en ai suivi contre la société Fumoa à payer 190 728,1 FCFA au titre de reliquat de l’indemnité de licenciement et 150 000 000 FCFA des dommages et intérêts.
Sur appel de la société Fumoa, la chambre sociale de la Cour d’appel de Dakar avait rendu un arrêt dans lequel il infirmait partiellement la décision du Tribunal du travail mais maintenait la condamnation de la société Fumoa. C’est contre cet arrêt d’appel que cette dernière s’est pourvue en cassation devant la CCJA.
Le fondement de l’arrêt n° 83/2016
Dans son arrêt sous examen, la CCJA relève que les conditions énumérées aux dispositions de l’ article 14 alinéas 3 et 4 du Traité n’étaient pas réunies. En effet, les juges du fond appréciant souverainement les faits avaient déduit que « le contrat de travail existe pleinement » et ont retenu la compétence du juge social en écartant l’application des dispositions des articles 420 , 438 et 489 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, au profit des dispositions du code du travail.
Ainsi, la CCJA, sur base de l’appréciation souveraine des faits des juges du fond, a décliné sa compétence et édicté le principe selon lequel, la Cour ne peut connaître d’un litige en matière sociale car elle ne soulève pas des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévus au Traité.
En effet, la jurisprudence de la CCJA enseigne que cette dernière n’est juge que du droit et les juges du fond (juridictions du premier degré et cours d’appel) jugent les faits. Les juges du fond ont le pouvoir souverain d’appréciation, c’est-à-dire le pouvoir qui permet d’apprécier la valeur et la portée des constatations, des énonciations des parties ainsi que des éléments de preuve soumis au débat. Ce pouvoir est souverain dans le sens qu’il échappe au contrôle de la CCJA.
Ainsi, le juge de fond est donc libre de privilégier des considérations extra-juridiques, de nature sociale, économique ou morale notamment. Ces considérations sont appréciées en fonction de chaque circonstance particulière.
Les juridictions de première instance et les cours d’appel disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation des éléments de faits, mais leurs décisions doivent nécessairement être motivées. Elles utilisent ainsi un pouvoir d’application de la règle de droit selon les faits.
Du bon droit dit par la cour.
Longo efengu jean Pierre