Le droit du travail ne relevant pas des Actes uniformes de l’OHADA, la Cour commune de justice et d’arbitrage – CCJA – a clairement affirmé son incompétence matérielle pour connaître des litiges de nature sociale. C’est ce qu’elle rappelle dans son arrêt n° 83/2016 du 28 avril 2016, confirmant ainsi un principe fondamental : la CCJA n’intervient que dans le champ d’application des Actes uniformes.
Bon à savoir : l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires, – Ohada -, a déjà élaboré et mis en vigueur 10 Actes uniformes qui couvrent divers domaines de la vie économique : le droit commercial général, le droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, le droit des sociétés coopératives, le droit des sûretés, le droit des procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution, le droit des procédures collectives d’apurement du passif, le droit comptable et à l’information financière, le droit du transport des marchandises par route, le droit de l’arbitrage et le droit de la médiation.
Contexte de l’arrêt
Monsieur Esmail, ancien directeur des opérations commerciales et industrielles de la société Fûts Métalliques de l’Ouest Africain (FUMOA), avait été révoqué pour motif économique. Contestant son licenciement, il avait saisi le Tribunal du travail de Dakar qui avait jugé le licenciement abusif, condamnant la société à lui verser notamment 150 millions de FCFA à titre de dommages et intérêts.
La Cour d’appel de Dakar, saisie par FUMOA, avait confirmé cette condamnation. La société s’est alors pourvue en cassation devant la CCJA, contestant notamment l’application des règles de droit du travail au lieu de celles de l’AUSCGIE (articles 420 , 438 et 489 ).
Position de la CCJA : un principe d’incompétence clairement établi
La CCJA, en s’appuyant sur l’ article 14 alinéas 3 et 4 du Traité OHADA, a rappelé que :
« Elle ne peut connaître d’un pourvoi que si le litige soulève des questions relatives à l’application des Actes uniformes ou des règlements pris pour leur application. »
Or, en l’espèce, les juridictions du fond avaient expressément retenu l’application du droit du travail au détriment des règles de droit des sociétés, écartant l’application des actes uniformes OHADA. Les juges du fond ont souverainement estimé que la relation liant les parties était bien un contrat de travail, relevant donc du code du travail sénégalais, et non du droit OHADA.
En conséquence, la CCJA a déclaré le pourvoi irrecevable pour incompétence.
La jurisprudence constante de la CCJA enseigne que :
- Elle n’est compétente que pour interpréter et appliquer les Actes uniformes ;
- Elle ne contrôle pas l’appréciation des faits, ce pouvoir appartenant souverainement aux juridictions du fond ;
- Le droit du travail, non harmonisé par l’OHADA, échappe donc à sa compétence, sauf si une question accessoire soulève une interprétation des Actes uniformes (ce qui n’était pas le cas ici).
L’arrêt n° 83/2016 illustre parfaitement la stricte limitation du champ de compétence de la CCJA. En l’absence d’un Acte uniforme régissant le droit social, les juridictions nationales demeurent les seules compétentes pour trancher les litiges en matière de contrat de travail.
Du bon droit dit par la cour.
Longo efengu jean Pierre