L’apport en gisement fait par une entreprise du portefeuille de l’État
dans une joint-venture minière en Droit Congolais
Par Maitre Patrick Bondonga Lesambo
Aux termes de l’ article 4 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, (« AUDSCGIE »), « la société commerciale est créée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent, par un contrat, d’affecter à une activité des biens en numéraires ou en nature, ou de l’industrie dans le but de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui peut en résulter. Les associés s’engagent à contribuer aux pertes dans les conditions prévues par le présent Acte uniforme.».
L’obligation de faire apport constitue un élément essentiel dans la définition de la société commerciale que donne l’ article 4
de l’AUDSCGIE. Cette idée est renforcée par l’ article 37
du même AUDSCGIE, en ce que chaque associé est tenu de faire un apport car celui-ci constitue la mesure de son engagement envers la société ; la réunion de ces engagements constituant le capital social mis à la disposition de la société afin de lui permettre de réaliser son objet[1]. Même si elle n’a pas exactement la même signification dans les sociétés dépourvues de personnalité juridique, la notion de capital n’y est pas absente, puisqu’il faut bien mesurer l’effort de chaque associé et les droits correspondants[2].
Dans la plupart des cas, pour constituer la joint-venture, il s’agira de fonder une nouvelle société. Toutefois, il est également possible qu’une société déjà existante et appartenant à l’un des promoteurs, constitue la base de la joint-venture. Dans ce cas, l’autre promoteur acquerra une partie du capital-actions de cette société.
Le concept de joint-venture ne relève pas en premier lieu du droit mais de l’économie industrielle. Il se réfère au fait que deux (ou plusieurs) entreprises entendent coopérer pour réaliser un projet commun qui dépasse leurs propres capacités et moyens. Une telle coopération peut viser une durée indéterminée ou se limiter à l’avance dans la durée. Elle peut se réaliser avec ou sans capitalisation commune et s’effectuer sur le plan national ou international. Toute joint-venture repose sur un contrat de base entre les partenaires intéressés, à savoir sur le contrat de joint-venture.
Dans le contexte congolais, les entreprises du portefeuille, exerçant les activités minières, ont recouru à divers partenariats avec des sociétés de droit privé, en vue de relancer leur exploitation, à la suite desquels des grandes activités d’exploration ont été réalisées en vue de mettre en évidence des gisements économiquement exploitables enfouis dans les périmètres miniers sur lesquels ces entreprises du portefeuille détiennent des titres miniers. A cet effet, divers contrats miniers ont été conclu revêtant diverses natures, en l’occurrence les accords-cadres, les contrats de joint-venture, les contrats de création des entreprises ou encore les conventions minières[3]. Ces différents types de contrats miniers prévoient la conclusion d’autres contrats d’exécution notamment la cession, l’amodiation, le contrat d’option, etc. advenus entre les entreprises publiques ou paraétatiques en cause, telles que la Générale des carrières et des mines, (« GECAMINES »), la Société de Mines d’or de Kilomoto, (« SOKIMO »), la Minière de Kisenga Manganèse, d’une part, et d’autre part, soit les partenaires privés contractants, nationaux ou étrangers, soit les sociétés de joint-venture constituées comme véhicule de la réalisation de partenariats conclus.
Le législateur congolais en 2002 avait édicté la Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, dont l’ article 8
alinéa 3[4] énonçait le principe d’égalité devant la loi minière entre les personnes morales publiques et personnes privées qui opèrent dans le secteur minier en RDC. Ce principe a été occulté lors de la modification du Code Minier intervenue en 2018, en ce que la rédaction de l’article 8 a abandonné l’énonciation de ce principe[5]. Et cela se traduit dans les autres dispositions dont particulièrement celle qui a retenu notre attention dans la présente étude, en l’occurrence l’ article 182
alinéa 4, en ce qu’il dispose : « lorsqu’une entreprise du portefeuille de l’État fait apport d’un gisement minier, soit à une société existante, soit en vue de la constitution d’une nouvelle société, la participation de ladite entreprise au capital de la société existante ou à constituer est fixée en fonction de la valeur réelle du gisement minier faisant l’objet de l’apport ».
En effet, il s’agit d’une disposition impérative édictée au profit des entreprises du portefeuille qui n’invoque pas, en principe, le cas des entreprises privées titulaires de droit minier d’exploitation. Une protection légale impérative en faveur des entreprises du portefeuille dans les négociations des partenariats ou dans la constitution de joint-venture portant sur l’exploitation de gisement dont elles sont titulaires de droit d’accès.
Cependant, la lecture de cette disposition soulève beaucoup de préoccupations tant en ce qui concerne son interprétation, qu’en ce qui concerne son efficacité. L’on s’interroge notamment sur ce qu’il faille entendre par entreprise du portefeuille en l’absence d’une définition donnée par le Code Minier. Cette obligation s’impose-t-elle à tous les titres miniers détenus par les entreprises du portefeuille ? Comment s’interprète-t-elle la notion de gisement ? Quelles sont les implications juridiques de l’évaluation de gisement eu égard à la technicité et aux investissements auxquels elle donne lieu ?
La démarche épistémologique, qu’impose la présente étude, conduit à la structurer en deux points à savoir : la nature juridique de l’apport en gisement fait par les entreprises du portefeuille dans les sociétés de joint-venture (I) et le régime juridique de l’évaluation de gisement apporté dans les sociétés de joint-venture par les entreprises du portefeuille (II).
I. La nature juridique de l’apport en gisement fait par les entreprises du portefeuille dans les sociétés de joint-venture
La création d’une société impose aux associés de faire apport pour constituer le capital social représentant l’effort de chaque associé et les droits correspondants. L’ article 182
du Code Minier qui organise le régime applicable à un gisement apporté par une société de portefeuille dans une société de joint-venture dispose que l’évaluation du gisement est faite conformément aux dispositions de l’AUDSCGIE. L’ article 40
de l’AUDSCGIE prévoit limitativement trois types d’apport que les associés peuvent faire, à savoir : (1) de l’argent, par apport en numéraire ; (2) des droits portant sur des biens en nature, mobiliers ou immobiliers, corporels ou incorporels, par apport en nature ; (3) ainsi que des connaissances techniques ou professionnelles ou des services, par apport en industrie. A cet effet, tout autre apport est interdit.
L’examen de la nature juridique de l’apport en gisement fait par les entreprises du portefeuille dans les sociétés de joint-ventures auxquelles elles prennent part, requiert de mettre en exergue les différentes notions qui interviennent dans cette opération (I.1), avant parcourir l’évolution de statut juridique de cette opération (I.2).
I.1. Les différentes notions se rapportant à l’apport en gisement fait par une entreprise de portefeuille
Deux notions essentielles gravitent dans l’orbite de l’apport en gisement faite par une entreprise du portefeuille pour retenir le régime prévu à l’ article 182 du Code Minier, à savoir : le gisement comme objet de l’apport (I.1.1) et l’entreprise du portefeuille comme souscripteur de l’apport (I.1.2).
I.1.1. Le Gisement comme objet de l’apport
Les produits minéraux utiles sont des constituants fréquents des roches, elles-mêmes associations naturelles de plusieurs minéraux parmi tous les minéraux qui composent le milieu souterrain. Toutefois, la mise en valeur industrielle des produits utiles n’est praticable que s’il existe en gisement. La condition de gisement obéit à une combinaison de considérations hétérogènes mais impérative. Les produits utiles ne sont valorisables que s’ils se trouvent réunis en concentration anormalement élevée ou en accumulation dotée de caractères spécifiques, rendant envisageable leur exploitation commerciale compte tenu des moyens techniques disponibles et des conditions économiques du moment[6].
Le législateur congolais du Code minier de 2002 avait défini le gisement comme tout gîte minéral naturel exploitable de manière rentable dans les conditions économiques du moment[7]. Cependant, l’actuel Code Minier a élagué la définition du gisement repris à l’ article 1er point 24
du Code minier du 2002, l’ article 1er point 24
du Code Minier en vigueur définit plutôt le terme installation classée de la catégorie 1 A et se contente au point 25
, en revanche, de définir le gisement artificiel comme tout gîte artificiel exploitable de manière rentable dans les conditions économiques du moment[8]. Cette définition renvoie à la notion de gîte artificiel défini par le même Code Minier comme toute concentration artificielle des substances minérales à la surface provenant de l’exploitation des mines et/ou des rejets découlant des traitements minéralurgique et métallurgique[9]. L’on peut également relever que la notion même de gîte minérale est entendue comme toute concentration anormale et naturelle des substances minérales à la surface ou en profondeur de l’écorce terrestre[10].
Il y a lieu de s’interroger si cette amputation de la définition de gisement jadis reprise dans le Code minier de 2002 relève de la volonté du législateur ou d’une simple omission. En effet, le législateur congolais a, peut-être, voulu faire une économie de termes définis en considérant que la notion de gîte minérale telle que définie devrait contenir celle de gisement qui serait, peut-être, redondante suivant cette nouvelle approche.
Cependant, cette approche, pour peu que l’on ne devrait pas retenir l’hypothèse d’une simple omission, fait plutôt plonger dans un vide de concept susceptible de faire naître un problème d’interprétation, dans la mesure évidente où, la notion de gîte minérale ne renferme que la dimension géologique de concentration de substances minérales, sans tenir compte de sa dimension économique attachée à l’exploitation. C’est dans le même sens que l’on peut également noter dans la définition donnée par Wikipédia de la notion de gisement qui est entendu comme est une concentration d’une ressource naturelle dans le sol ou le sous-sol que l’on peut exploiter en construisant une mine à ciel ouvert, souterraine et/ou des puits de forage[11].
C’est justement cette dimension économique qu’apporte la notion de gisement minier repris à l’ article 182
du Code Minier qui constitue l’enjeu de la protection particulière que le législateur congolais a accordé aux entreprises du portefeuille de l’État faisant apport de gisement minier à une société existante ou à l’occasion de la constitution d’une nouvelle société particulièrement dans le cadre d’une joint-venture.
Il arrive constamment que les entreprises du portefeuille de l’État titulaire de droit minier concluent des partenariats avec des sociétés privées, nationales ou étrangères, en vertu desquels elles font apport de leur droit minier de recherche ou d’exploitation. La question que l’on se pose est de savoir si le droit minier apporté doit impérativement suivre le régime imposé à l’ article 182
alors même, – comme c’est le cas le plus souvent – le titre minier apporté ne tient que sur le certificat délivré, sans les études pertinentes et certifiées permettant de déterminer la quantité et la qualité des substances minérales se trouvant dans les périmètres qu’ils couvrent. En d’autres termes, la notion de gisement doit-il se confondre avec celle de droit minier ?
En retenant le terme gisement minier en lieu et place de droit et titre miniers, le législateur congolais a donc opté pour l’application de ce régime aux seules entreprises du portefeuille de l’État ayant mise en évidence un gisement économiquement exploitable, de sorte que ça devrait paraître comme redondant d’imposer une évaluation d’autant plus que lorsqu’on parle de gisement, cela devrait supposer que l’étude de faisabilité, ayant conduit à l’obtention ou à la délivrance du droit minier d’exploitation en faveur de l’entreprise de portefeuille titulaire, a déjà évalué le gisement concerné.
Si l’apport d’un droit minier d’exploitation dont la délivrance suppose l’existence des études ayant mis en évidence l’existence d’un gisement économiquement exploitable, ne devrait en principe pas poser des problèmes quant à l’application du régime imposé aux entreprises du portefeuille de l’État en vertu de l’ article 182
, il n’en est pas le cas pour l’apport d’un droit minier de recherche. En effet, la détention d’un permis de recherche ne devrait pas donner lieu à ce régime d’autant plus qu’à ce stade, l’existence de gisement minier n’est pas encore effectif. Il se pourrait que l’entreprise du portefeuille de l’État, titulaire d’un permis de recherches, ait déjà pu réaliser des études mettant en exergue un gisement mais se trouve encore en préparation de son dossier de demande d’un permis d’exploitation. Dans ce cas, le régime imposé par l’ article 182
devra s’appliquer. Il reste à savoir ce qu’il faille entendre par entreprise du portefeuille de l’État.
I.1.2. La notion d’Entreprises du portefeuille de l’État souscripteur de l’apport en gisement
Le Code minier fait état d’entreprise du portefeuille sans définir spécifiquement cette notion. Cette carence plonge dans la difficulté d’interprétation dans la mesure où l’on se doit de se ramener à la définition donnée par les autres textes de droit positif congolais. Et dans cet exercice, l’on se doit de se référer particulièrement à la Loi n° 08/010 du 087 juillet 2010 fixant les règles relatives à l’organisation et à la gestion du portefeuille de l’État, (« Loi sur la gestion du portefeuille de l’État), en ce que ce texte de droit congolais constitue la règle spéciale sur la question en qu’il a donné une définition de ce qu’il faille entendre par entreprise du portefeuille de l’État.
En effet, aux termes de l’ article 3
de la Loi sur la gestion du portefeuille de l’État, il faut entendre par entreprise du portefeuille de l’État toute société dans laquelle l’État ou toute personne morale de droit public détient la totalité des actions ou une participation. Cette définition soulève un sérieux problème d’interprétation de l’ article 182
alinéa du Code Minier, si l’on doit la retenir, d’autant plus cela implique que toutes les sociétés titulaires de permis d’exploitation dans lesquelles l’État congolais détient ou a vocation de détenir au moins une participation, jadis de 5%[12] et aujourd’hui de 10%[13], en vertu de l’ article 71 litera d
du Code Minier, soient considérées comme bénéficiaires du régime y organisé.
Une telle lecture de la législation minière congolaise conduit à retenir que toutes entreprises requérantes d’un permis d’exploitation, sous le régime tant du Code minier de 2002 que celui actuellement en vigueur, sont ou ont vocation à être des entreprises du portefeuille de l’État, en raison de la participation qui revient à l’État, sur les fondements croisés des articles 3
de la Loi sur la gestion du portefeuille de l’État et 71
du Code Minier de 2018.
La rédaction heureuse de l’ article 182
alinéa 4 du Code minier de 2018 devrait utiliser le terme « les entreprises publiques », défini par l’ article 3
de la Loi sur la gestion du portefeuille de l’État comme toute entreprise du portefeuille de l’État dans laquelle l’État ou les personnes morales de droit public détiennent la totalité ou la majorité absolue des actions ou parts sociales.
Du texte actuel de l’ article 182
alinéa 4 du Code Minier, l’on retient que le régime y imposé, a vocation à s’appliquer à toutes les sociétés ayant obtenu des permis d’exploitation sous le régime du Code minier de 2002 et sous le régime de l’actuel Code Minier.
La doctrine constante enseigne qu’il appartient à l’État dont la souveraineté s’affirme à la surface du sol de disposer librement du tréfonds et des produits naturels utiles qui s’y trouvent éventuellement[14].
L’État congolais, en vertu de sa liberté normative dans le secteur des ressources naturelles dans lequel il exerce une souveraineté permanente sur le fondement des instruments internationaux[15] et réaffirmée à l’ article 9
de la Constitution[16] a levé une telle option dans le but de protéger les entreprises du portefeuille dans lesquelles il détient la totalité ou la majorité absolue du capital social apporteurs de gisement dans une joint-venture et non toutes sociétés titulaires de permis d’exploitation. C’est la seule ratio legis plausible de cette disposition de l’ article 182
alinéa 4 du Code Minier.
L’application de ce régime à toutes les sociétés ayant obtenu de permis d’exploitation moyennant condition de cession à l’État des parts ou actions paraît démesurée, en ce qu’elle va au-delà de l’objectif poursuivi par cette disposition dont la lecture doit s’inscrire dans son contexte.
En effet, déjà à l’ article 331
du Code minier de 2002, le législateur congolais avait laissé une ouverture incitative au partenaire privé de se délier de contrat de joint-venture conclu avec l’État. Bien plus tard, toujours sous le régime du Code minier de 2002, le gouvernement de la république issu des élections de 2006, s’inspirant des recommandations du dialogue inter-congolais de 2002 avait levé l’option de procéder à une relecture critique des contrats miniers de partenariat conclu par les entreprises publiques et paraétatiques minières avec les investisseurs privés disposant de capacités technique et financières suffisantes et jouissant d’une crédibilité éprouvée[17]. Cette volonté avait été matérialisée par l’arrêté ministériel n° 2745/CAB.MIN/MINES/01/2007 du 20 Avril 2007 portant création de la commission ad hoc chargé de la révisitation des contrats miniers et de l’arrêté interministériel n°2836/CAB.MIN/MINES/01/2007 du 12 Mai 2007 portant mesures conservatoires préalables à la relecture des contrats de partenariats des entreprises publiques et paraétatiques minières.
A l’issue des travaux de renégociation desdits contrats miniers, au nombre de reproches formulés contre les différents partenariats, figure l’absence d’évaluation, à juste titre, de gisements apportés par les entreprises publiques et paraétatiques minières, susceptible de déterminer de manière équilibrée la participation de chaque partie au capital social de sociétés de joint-venture constituées sinon auprès desquelles leurs gisements ont été cédés ou apportés[18].
Il découle de tout ce qui précède que l’initiative du Code Minier actuellement en vigueur ayant été conduit par le Ministère des Mines de la RDC, s’inscrit donc dans la logique de la protection des entreprises publiques et paraétatique, c’est-à-dire celles dans lesquelles l’État détient la totalité ou la majorité absolue du capital social, que l’ article 182
alinéa 4 a été édicté. La rédaction de la disposition concernée demeure cependant peu heureuse en raison de l’indication du terme entreprise du portefeuille de l’État dont la portée va au-delà du contexte et des objectifs poursuivis.
Toutefois, il y a lieu de noter que l’ article 375
du Règlement Minier[19] couvre maladroitement cette lacune et donne incidemment la précision qu’il s’agit d’un titre minier d’exploitation appartenant à une société minière dont l’État est actionnaire majoritaire, mais tout en omettant de reprendre les autres personnes morales de droit public.
I.2. L’évolution de statut juridique de l’apport en gisement fait par les entreprises de portefeuille de l’État dans les joint-ventures minières
Deux périodes se dégagent de l’examen de l’évolution de statut juridique de l’apport en gisement fait par les entreprises du portefeuille de l’État dans les joint-ventures minières, à savoir : la période avant le Code Minier de 2018 (I.2.1) et celle après le Code Minier de 2018 (I.2.2).
I.2.1. Le statut juridique de l’apport en gisement fait par les entreprises du portefeuille de l’État avant le Code Minier de 2018
Les projets liés à l’exploitation des ressources naturelles mettent en présence deux acteurs aux intérêts complémentaires, et non pas, comme souvent décrit, opposés : l’État d’accueil conscient du potentiel de développement que représente tout investissement étranger et l’opérateur privé national ou étranger détenteur des technologies et des capitaux nécessaires à l’exploitation des ressources naturelles, dont il a besoin pour son activité commerciale. L’entité étatique pourra intervenir à plusieurs titres dans le cadre des opérations minières et pétrolières : soit directement, soit par le biais d’un exploitant étatique local[20].
En République démocratique du Congo, (« RDC »), les entreprises publiques, jadis organisées par la Loi-cadre n° 78-002 du 06 janvier 1978 portant dispositions générale applicable aux entreprises publiques, (« Loi sur les entreprises publiques de 1978 »), transformées en vertu de la réforme intervenue en 2008[21], opérant comme exploitants étatiques locaux, ont eu et continuent à conclure des contrats de joint-venture avec des opérateurs et entreprises privés, nationaux comme étrangers, en vue de développement de projets miniers.
Le droit positif congolais n’organisaient pas particulièrement le régime applicable à des tels contrats de joint-venture conclus par les entreprises du portefeuille, sauf en ce qui concerne les mécanismes de contrôle en amont et en avale des autorités de tutelles, lesquels mécanismes sont censés être abandonnés avec la transformation desdites entreprises publiques résultant de la réforme de 2008, accentuée par les instruments de l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, (« Ohada »), entrée en vigueur en RDC en 2014, de sorte que ces entreprises sont de plus en plus soumises au régime applicable aux sociétés commerciales de droit commun.
Cependant, même sous le régime de la Loi sur les entreprises publiques de 1978, et même après avec le Code minier de 2002, aucune disposition particulière n’imposait un régime particulier aux gisements apportés par les entreprises du portefeuille. Cette question relevait donc de l’autonomie de la volonté des parties auxdits contrats de joint-venture.
A cet effet, la plupart des contrats de joint-venture ne considéraient pas l’apport en gisement comme un apport en nature évalué et comptabilisé dans le capital de société constituée, sinon désignée pour réaliser l’activité d’exploitation. La libération du capital se faisait en numéraire par tous les associés, et plus souvent en ce qui concerne les entreprises de portefeuille – apporteur de gisement ou titre minier – au moyen d’un prêt lui consenti par le partenaire privé.
Il s’en suit que le gisement apparaissait comme un apport en jouissance plutôt qu’un apport en propriété, de sorte que dans la plupart de contrats de joint-venture, il était prévu une clause prévoyant le retour de gisement auprès de l’entreprise publique apporteur en cas dissolution de la société constituée ou désignée pour l’exploiter. Cette clause, particulièrement imposée par le gouvernement à l’occasion de renégociation des contrats miniers résultant du processus de leur révisitation initiée en 2007, s’inscrivait en marge de dispositions du Code minier de 2002, concernant la cession de droit minier, en ce que celles-ci prévoyaient que la cession d’un droit minier devrait être définitive et irrévocable.
La doctrine enseigne qu’en matière de d’apport en jouissance, il convient de distinguer deux hypothèses (comme en matière de prêt, par exemple) :
- Soit le bien apporté en jouissance est une chose ni fongible ni consomptible : il est alors mis à la disposition de la société, sans transfert de propriété (comme dans le prêt à usage). L’apporteur reçoit des droits sociaux équivalents au prix de cette mise à disposition. L’apport en jouissance s’incorpore donc au capital social à raison de la valeur de la jouissance.
- Soit le bien apporté est une ou plusieurs choses fongibles ou consomptibles, et ces choses deviennent alors la propriété de la société, qui est tenue d’en restituer l’équivalent en fin de contrat (comme dans le prêt de consommation)[22].
Le gisement est constitué des substances minérales, biens non renouvelables, partant fongibles ou consomptibles ; il s’en suit que l’apport en jouissance de gisement opère un transfert de propriété des substances minérales extraites à la suite de l’exploitation réalisée par la société de joint-venture – que le Code Minier désigne sous les termes de produits marchands[23] – dans la mesure où la société de joint-venture en dispose à sa guise et n’est pas tenue à restituer à l’entreprise du portefeuille les substances minérales extraites et commercialisées dans le cadre de l’exploitation.
Toutefois, il y a lieu de relever que le contrat minier nommé, le mieux adapté à la volonté des parties de considérer le gisement comme un apport en jouissance à titre de contrat d’exécution de la joint-venture, devrait être l’amodiation en ce qu’il s’entend d’un louage pour une durée déterminée ou indéterminée, sans faculté de sous-louage, de tout ou partie des droits attachés à un droit minier ou une autorisation de carrières moyennant une rémunération fixée par accord entre l’amodiant (le titulaire du droit minier) et l’amodiataire (le preneur en louage du droit minier)[24].
Seulement, pour de raison de gestion de risque de résiliation d’amodiation et des exigences d’obtention de financement de projet minier, peu de joint-venture minière ont recouru à l’amodiation, et ont plutôt recouru à la cession de droit minier qui couvre le gisement apporté en propriété, hypothèse prépondérante suivant du régime du Code Minier de 2018.
I.2.2. Le statut juridique de l’apport en gisement fait par les entreprises du portefeuille de l’État sous le régime du Code Minier de 2018
La phase de recherche ou d’exploration, regroupe l’ensemble des activités conduites dans le but de découvrir ou de mettre en évidence l’existence de gisements, de les délimiter et d’en évaluer l’importance et les possibilités d’exploitation commerciale[25]. Le gisement suppose donc un bien évalué dans le cadre des travaux d’exploration réalisés par ou pour le compte du titulaire du droit minier dans lequel il se situe. La mise en évidence d’un gisement est donc précédée des gros investissements réalisés dans les travaux de recherches effectués.
Le Code Minier de 2018 a omis de donner une définition au terme gisement. Il n’en donne pas non plus la nature juridique. En effet, le Code Minier de 2018 donne plutôt la nature juridique des droits miniers en vertu desquels l’on peut exploiter le gisement, en l’occurrence le permis d’exploitation, le permis d’exploitation de la petite mine et/ou le permis d’exploitation des rejets, que le Code Minier de 2018 considère comme des droits réels, immobiliers, exclusifs, cessibles, transmissibles et amodiables[26].
Le gisement fait partie du droit minier qui le couvre, il en constitue certes, la composante essentielle, mais les deux ne se confondent pas d’autant plus que le permis d’exploitation va au-delà du seul accès au gisement mis en évidence[27]. Le gisement entendu dans le Code minier de 2002 comme tout gîte minéral naturel exploitable de manière rentable dans les conditions économiques du moment[28], renvoie à un bien domanial, mieux à une ressource naturelle. Dans le rapport sur le commerce mondial 2010 de l’Organisation Mondiale du Commerce, les ressources naturelles sont définies comme « les stocks de matières présentes dans le milieu naturel qui sont à la fois rares et économiquement utiles pour la production ou la consommation soit à la l’état brut, soit après un minimum de transformation »[29].
Mukendi Mukendi Ntantamika enseigne qu’une ressource naturelle n’est au départ qu’une chose n’intéressant que les sciences de la nature ; c’est quand celles-ci en révèlent l’existence ou l’utilité économique qu’elle devient un bien intéressant l’économiste et le juriste : le premier s’y penchant pour l’évaluer et étudier la rentabilité de son utilisation et le second pour en définir les modes juridiques d’approche, d’évaluation et d’appropriation. Mais durant la période où son existence et son utilité sont simplement présumées ou révélées sans être évaluées, elle n’est qu’un bien virtuel dont l’intérêt pour l’État et les agents économiques n’en est pas, cependant, moins réel et actuel ; dans la mesure où chacun voudrait s’en approprier après son évaluation[30].
C’est dans ce contexte dialectique d’intérêts de différents acteurs que se forge comme naturellement le statut juridique d’un gisement qui, traduit dans une dimension comptable, apparaît comme un actif naturel, c’est-à-dire une réserve de ressources naturelles ayant fait l’objet d’une évaluation économique par rapport à l’usage donné, et, partant, d’une appropriation publique ou privée ; ce qui en fait un élément identifiable d’un patrimoine dont le propriétaire peut tirer un avantage économique soit en l’exploitant personnellement, soit en le cédant à titre onéreux, soit en l’échangeant contre un autre bien, soit encore en le louant[31].
A cet effet, en 2018, le législateur du Code Minier a stigmatisé la notion d’apport en gisement minier fait par les entreprises du portefeuille de l’État, soit dans une société existante, soit en vue de la constitution d’une nouvelle société, en obligeant que la participation des entreprises du portefeuille de l’État apporteur de gisement minier dans les sociétés précitées, soit fixée en fonction de la valeur réelle du gisement minier faisant l’objet de l’apport, au moyen de son évaluation faite conformément aux dispositions de l’AUDSCGIE.
Il se dégage de ce qui précède que le gisement est considéré comme un actif naturel[32], son apport fait par une entreprise du portefeuille de l’État dans les conditions sus-invoquées, ne peut être considéré que comme un apport en nature en ce qu’il est relatif aux droits portant sur des biens en nature, une composante essentielle d’un droit minier d’exploitation qui est un droit réel immobilier aux termes de dispositions du Code Minier.
Il devrait plutôt s’agir d’un apport en propriété dans la mesure où le gisement est soumis à une évaluation à laquelle dépendra la fixation de la participation de l’entreprise du portefeuille concernée dans le capital social de la société existante ou à constituer, en faveur de laquelle le droit minier couvrant le gisement apporté, pourrait être cédé. Toutefois, il n’est pas exclu que les parties prévoient que la société de Joint-venture bénéficie plutôt d’une amodiation donnant normalement lieu à un apport en jouissance.
Si l’apport du droit minier donné en amodiation est indiscutablement un apport en jouissance, le gisement minier pris singulièrement ne s’accorde pas à ce statut d’apport en jouissance en raison de son caractère non renouvelable. Les substances minérales composant le gisement qui seront extraites des activités d’exploitation à réaliser par la société de joint-venture en vertu du droit minier cédé ou amodié par l’entreprise du portefeuille de l’État seront bien la propriété de la société de joint-venture avec un pouvoir de disposition.
II. Le régime juridique de l’évaluation de gisement apporté dans les sociétés de joint-venture par les entreprises du portefeuille
Comme relevé précédemment, le siège de la matière se situe à l’ article 182 alinéa 4 du Code Minier qui d’une part indique que la procédure d’évaluation du gisement est faite conformément aux dispositions de l’AUDSCGIE (II.1), et d’autre part, tire les conséquences de l’évaluation du gisement par rapport à la participation des entreprises du portefeuille dans les sociétés de joint-venture (II.2).
II.1. La procédure d’évaluation du gisement apporté dans une joint-venture par une entreprise du portefeuille
Aux termes de l’ article 45
de l’AUDSCGIE, les apports en nature (en propriété comme en jouissance) sont réalisés par le transfert des droits réels ou personnels correspondant aux biens apportés et par la mise à la disposition effective de la société des biens sur lesquels portent ces droits. Le bien apporté, grevé de telle ou telle obligation, doit représenter une valeur positive ; autrement l’apport ne serait pas libéré, et devrait être considéré comme fictif[33]. Le gisement apporté par les entreprises du portefeuille constituant un apport en nature, il est soumis à la procédure d’évaluation prévue dans l’AUDSCGIE.
A cet effet, l’ article 49
l’AUDSCGIE dispose que les associés évaluent les apports en natures (II.1.1) et dans les cas prévus par l’AUDSCGIE, cette évaluation est contrôlée par un commissaire aux apports (II.1.2).
II.1.1. L’évaluation de l’apport en gisement par les associés
L’évaluation de l’apport en nature est obligatoire au moment de la création même de la société ou moment de la réalisation de cet apport en cours de vie de la société dans la mesure où l’apport en nature est libéré intégralement. A cet effet, les associés ont une grande responsabilité au moment de l’évaluation. Les questions principales tournent au tour des implications d’une surévaluation ou d’une sous-évaluation de l’apport en nature réalisé.
Il est constant en effet que le risque en matière d’évaluation d’un apport en nature réside dans la surévaluation des apports, ce qui est à la fois une source d’injustice envers les autres associés dans la mesure où les droits sociaux sont attribués proportionnellement aux apports, mais aussi une tromperie envers les créanciers sociaux qui se méprennent ainsi de la solvabilité réelle de la société[34].
Dans la pratique des joint-ventures conclues par les entreprises de portefeuille, les accords de sociétés ou conventions de joint-venture prévoient l’évaluation de gisement dans le cadre de l’étude de faisabilité réalisée, soit par la société de joint-venture, soit par le partenaire privé de l’entreprise du portefeuille titulaire du droit minier dans lequel se trouve le gisement apporté. Parmi les reproches formulées par le Gouvernement de la RDC aux joint-ventures conclues par les entreprises de portefeuille, dans le cadre du processus de révisitations des contrats miniers, l’on comptait particulièrement l’absence d’étude de faisabilité ayant conduit à une fixation arbitraire des parts sociales dans les joint-ventures[35].
Il en découle que les associés signataires de la convention de joint-venture fixent les conditions d’élaboration d’une étude de faisabilité qui impliquent entre-autre l’évaluation du gisement. Seulement, cette évaluation intervient en court de vie de la société de joint-venture et non avant la création, de sorte que les statuts desdites sociétés ne déterminent pas la participation des associés au capital social en fonction de la valeur réelle du gisement, mais plutôt en recourant aux apports en numéraire pour fixer et libérer les parts sociales ou actions constituant leur capital social.
Cela se justifie par le fait que les droits miniers même d’exploitation détenus par les entreprises du portefeuille renferment de gisements non évalués et que la réalisation de l’évaluation implique des investissements lourds supportés par le partenaire privé qui permettent de s’assurer la valeur nette positive du gisement apporté. Les coûts investis par le partenaire privé représentent une charge, une dette qui pèse sur les éléments d’actifs qui pourraient se dégager de l’évaluation du gisement.
L’ article 182
alinéa 4 pose le principe que le gisement est évalué à sa valeur réelle qui détermine sa participation dans la société de joint-venture. Cette valeur ne peut se dégager qu’à la suite de l’investissement à mettre en œuvre par le partenaire privé pour réaliser l’étude de faisabilité du projet minier, et cela constitue un obstacle à l’évaluation du gisement requis au moment de la création.
Il y a lieu de noter que l’option levée par le législateur congolais vise à éviter la sous-évaluation de gisement apporté par les entreprises du portefeuille dans les sociétés de joint-venture constituées avec les partenaires privés en vue de l’exploitation des projets miniers.
Néanmoins, la valeur d’un gisement ne se prête pas à réserver aux associés le pouvoir de leur évaluation comme apport en nature eu égard aux dispositions de l’AUDSCGIE auxquelles cette procédure est soumise, qui imposent le recours à un commissaire aux apports.
II.1.2. L’évaluation de l’apport en gisement sous le contrôle du commissaire aux apports
Les sociétés de joint-ventures constituées ou à constituer dans le cadre de l’exploitation de gisements apportés par les entreprises du portefeuille optent, de manière récurrente, soit pour la forme d’une société à responsabilité limitée, (« SARL »), soit pour la société anonyme, (« SA »), et depuis l’introduction dans l’AUDSCGIE en 2014, la forme de société par action simplifiée, (« SAS »), est particulièrement retenue en raison de la souplesse de ses mécanismes de fonctionnement. Le choix de l’une comme l’autre forme a une incidence par rapport à la procédure d’évaluation du gisement apporté en vertu des dispositions de l’AUDSCGIE.
En effet, dans les SARL, les associés peuvent procéder eux-mêmes à l’évaluation des apports en nature dès lors que la valeur de ces apports ou de l’avantage considéré ou de l’ensemble des apports et avantages considérés est inférieure à cinq millions de FCFA (soit 8 250 USD). Dès lors que cette valeur est supérieure à ce seuil, l’ article 312
de l’AUDSCGIE les oblige à désigner à l’unanimité un commissaire aux apports ou, à défaut, à faire désigner un commissaire aux apports par le président de la juridiction compétente. A défaut d’évaluation faite par un commissaire aux apports ou encore si les associés refusent l’évaluation ainsi proposée, ils peuvent procéder eux-mêmes à une nouvelle évaluation mais sont dans ce cas tenus pour solidairement et indéfiniment responsables de la valeur attribuée à l’égard des tiers[36].
Les apports en nature font en principe, dans toutes les sociétés par actions, l’objet d’une évaluation par un commissaire aux apports[37]. En effet, en ce qui concerne les SA et les SAS, l’intervention du commissaire aux apports est obligatoire. L’ article 400
alinéa 2 de l’AUDSCGIE qui s’appliquent dans ces deux formes de sociétés, dispose que la valeur des apports en nature et/ou les avantages particuliers doivent être contrôlés par un commissaire aux apports. Quel que soit le mode de désignation des commissaires aux apports, ceux-ci sont choisis sur la liste de commissaires aux comptes.
Cette évaluation est faite sous la responsabilité tant civile que pénale du commissaire aux apports qui peut se faire assister dans l’accomplissement de sa mission par un ou plusieurs experts de son choix. Son rapport est déposé trois jours au moins avant l’assemblée générale constitutive à l’adresse du siège social et est mis à la disposition des associés[38]. Les articles 619 à 626
de l’AUDSCGIE prévoient enfin une procédure similaire d’évaluation pour les apports en nature ou avantages particuliers, lorsqu’ils s’inscrivent dans le cadre d’une augmentation de capital[39].
Cependant, les préoccupations soulevées précédemment en ce qui concerne l’évaluation d’un gisement apporté demeure même en cas de procédure soumise au contrôle d’un commissaire aux apports. En effet, le commissaire aux apports dispose certes des instruments légaux pour l’exercice de sa mission, mais ne dispose pas forcement des moyens techniques et financiers ainsi que de temps suffisant pour réaliser cette mission.
S’agissant des moyens techniques et financiers, l’évaluation d’un gisement requiert sa quantification, la détermination de la teneur des minerais qui le composent, de technique et méthodes efficientes d’exploitation qui garantissent sa rentabilité économique dans le respect des obligations légales, environnementales et sociales de titulaire de droit d’exploitation, etc.
En principe, les informations requises pour la réalisation de l’évaluation du gisement permettant de connaître sa valeur économique réelle, tel que requis par les dispositions de l’ article 182
alinéa 4 du Code Minier, sont censées avoir été fournies par le titulaire du permis d’exploitation avant l’obtention de son droit minier en vertu de l’ article 69
du Code Minier[40].
A cet effet, le travail du commissaire aux apports devrait être facilité par les différents documents fournis par le titulaire du permis d’exploitation qui ont dû faire l’objet de vérification lors de l’instruction cadastrale, technique et environnementale ayant précédé l’octroi du permis d’exploitation qui couvre le gisement apporté.
En revanche, la rédaction de l’ article 182
alinéa 4 fait redouter de la crédibilité des informations recueillies et tenues pour vraies concernant l’évaluation économique du gisement apporté par les autorités administratives compétentes lors de la délivrance du permis d’exploitation. La rédaction heureuse et complète aurait purement et simplement renvoyé objectivement l’évaluation du gisement au rapport sur le résultat de recherches en ce qui concerne la nature, la qualité, le volume et la situation géographique de la ressource minérale identifiée, à l’étude de faisabilité de l’exploitation du gisement, au plan d’encadrement technique des travaux de développement, de construction et d’exploitation de la mine ainsi qu’à l’EIES et au PGES en soumettant le rapport du commissaire aux apports à l’analyse objective des informations y contenues, du reste, déjà approuvées par les administrations compétentes dans lesquelles l’on trouve différents experts requis à cet effet.
Le fait pour le législateur de fixer comme critère d’évaluation la valeur réelle du gisement consacre une remise en cause sournoise et implicite de la valeur officielle déclarée du gisement, telle que reprise dans les documents précités qui sous-tendent l’obtention du permis d’exploitation. Cela devrait paraître équitable pour le partenaire privé qui n’a pas été associé dans l’établissement de ces différents documents de sorte que l’évaluation sur ce critère permettrait de confirmer les données communiquées. Mais visiblement la protection poursuivie par cette disposition vise plutôt l’entreprise du portefeuille titulaire d’un permis d’exploitation pour lequel il est censé être auteur des informations contenues dans les documents ayant donné la valeur économique du gisement apporté.
Toutefois, l’AUDSCGIE donne au commissaire aux apports le pouvoir de contrôle obligatoire en ce qui qui concerne les sociétés par actions, en l’occurrence les SA et les SAS et s’agissant même de la valeur d’un gisement qui, généralement, devrait aller au-delà du seuil requis en ce qui concerne les SARL. Pour l’élaboration de son rapport d’évaluation du gisement conformément aux articles 182
alinéa 4 du Code Minier et 375
du Règlement Minier, le commissaire aux apports devrait à cet effet procéder à des nouvelles opérations de recherches et à l’élaboration d’une étude de faisabilité, en vue de se conformer au critère de l’évaluation à la valeur réelle du gisement minier, en cas de désaccord des associés à se fier aux documents ayant servi à l’obtention du droit minier d’exploitation qui couvre le gisement.
Dans tous les cas, le commissaire aux apports ne peut être exclusivement tenu à ne considérer que les documents précités, d’autant plus qu’il doit jouir de son indépendance et éviter d’engager sa responsabilité sur une évaluation non correcte donnant lieu à des apports fictifs[41]. En effet, aux termes des articles 312
alinéa 5 et 401
alinéa 1, le commissaire aux apports établit sous sa responsabilité un rapport annexé aux statuts. Ce rapport décrit chacun des apports en nature et/ou avantages particuliers, selon le cas ; indique le mode d’évaluation adopté et les raisons pour lesquels il a été retenu. Il atteste que la valeur des apports correspond au moins à la valeur du nominal des parts ou actions à émettre.
Il a été jugé que le commissaire aux apports doit donner une valeur à chacun des éléments qui compose le bien apporté ; tel n’est pas le cas lorsque le commissaire évalue à un certain montant les éléments corporels d’un fonds de commerce et ne mentionne pas les éléments incorporels que pour mémoire [42].
Cependant, il y a lieu de noter que ce sont les associés ou actionnaires qui décident de la valeur retenue. Lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés ou actionnaires sont solidairement responsables pendant cinq (5) ans, à l’égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature. L’obligation garantie ne vise que la valeur des apports au moment de la constitution de la société ou de l’augmentation du capital et non pas le maintien de cette valeur[43].
Il reste également que la réalisation de ce travail d’évaluation ne se prête à l’obligation de délai imposé au commissaire aux apports de déposer son rapport au moins trois jour avant la tenue de l’assemblée générale constitutive, en cas de création de société, ou de l’assemblée générale extraordinaire, en cas d’augmentation du capital social. L’importance et le volume de travaux d’évaluation d’un gisement devraient forcement retarder plus longtemps la tenue desdites assemblées qui sont soumises au rapport d’évaluation du commissaire aux apports avant de fixer la valeur du gisement apporté comme apport en nature et déterminer la participation de l’entreprise du portefeuille concernée.
II.2. Les conséquences de l’évaluation du gisement par rapport à la participation des entreprises du portefeuille dans les sociétés de joint-venture
L’existence d’un gisement économiquement exploitable est l’une des conditions d’octroi d’un droit minier d’exploitation. En effet, M. Mukendi Ntantamika relève qu’une ressource naturelle n’est au départ qu’une chose n’intéressant que les sciences de la nature ; c’est quand celles-ci en révèlent l’utilité économique qu’elle devient un bien intéressant l’économiste et le juriste[44]. Cela implique que les substances minérales enfouies dans le sous-sol ou se trouvant sur la surface du sol ne deviennent une richesse que dans le cas où l’on arrive à l’extraire dans les conditions qui lui attribuent une valeur économique positive, soit après son évaluation quantitative et qualitative ainsi que de conditions économiques, environnementales et sociales de son exploitation efficiente.
Le législateur du Code Minier a retenu la condition de la détermination de la valeur réelle du gisement apporté pour fixer la participation d’une entreprise de portefeuille dans une joint-venture dans laquelle cette dernière a fait apport du gisement en cause. A cet effet, il y a lieu d’examiner les implications patrimoniales de la valeur économique dégagée du gisement apporté (II.2.1) d’une part, et d’autre part, les critères de répartition des parts ou actions constitutifs du capital social de la société de joint-venture qui en découlent (II.2.2).
II.2.1. Les implications patrimoniales de la valeur économique dégagée du gisement apporté
Comme cela a été invoqué précédemment, l’évaluation du gisement ne devrait normalement pas soulever une telle particulière attention du législateur en faveur des entreprises du portefeuille titulaire de droit minier d’exploitation d’autant plus que leur octroi requiert entre autre la production de rapport sur le résultat de recherches en ce qui concerne la nature, la qualité, le volume et la situation géographique de la ressource minérale identifiée ainsi que de l’étude de faisabilité de l’exploitation du gisement, dans lesquels l’on retrouve l’évaluation du gisement.
Seulement, la crédibilité économique de l’évaluation du gisement faite au moment de l’octroi de droit minier d’exploitation couvrant le gisement apporté par les entreprises de portefeuille est remise en cause par l’exigence d’une évaluation du gisement devant déterminer leur participation dans les joint-ventures constituées en fonction de la valeur réelle du gisement apporté. Cette évaluation étant généralement prise en charge par le partenaire privé, il y a lieu de s’interroger sur la valeur économique du gisement apporté avant cette évaluation dont la réalisation implique des gros investissements au travers des opérations de quantification et de qualification du gisement apporté.
Aussi, il est souvent de cas où le droit minier octroyé résulte de la transformation du droit minier des anciens droits miniers octroyés sous le régime de l’Ordonnance-loi n°81-013 du 02 avril 1981 portant législation générale sur les Mines et les Hydrocarbures, sur le fondement des dispositions transitoires du Code minier de 2002, sans avoir des données objectives sur la quantité et la qualité du gisement censé couvert par le titre minier octroyé, avec une réelle éventualité de l’inexistence d’un gisement économiquement exploitable dans le périmètre minier concerné.
Dans les deux hypothèses, l’on se retrouve en présence de titre minier couvrant un droit d’exploitation des substances minérales pour lesquelles il a été octroyé, qui justifie en soi déjà d’une valeur économique susceptible d’être comptabilisé dans le patrimoine de l’entreprise du portefeuille sur le fondement non seulement de l’ article 137
de l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général qui compte les licences d’exploitation parmi les éléments constituant le fonds de commerce, mais également et surtout des articles 65
, 89
et 100
du Code Minier qui considèrent les droits miniers d’exploitation comme des droits réels, immobiliers, exclusifs, cessibles, transmissibles, amodiables.
La doctrine consultée corrobore en relevant qu’il est généralement admis que la valeur d’échange des autorisations administratives justifiant leur patrimonialité procède de leur contingentement, c’est-à-dire la limitation de leur offre par l’administration. Cette limitation peut résulter de la rareté du bien auquel elles donnent droit ou de l’étroitesse de l’espace auquel elles donnent accès[45]. Ce contingentement des autorisations implique leur rareté ou leur indisponibilité, il oblige ceux qui en ont besoin à les acheter auprès de ceux qui en sont pourvus ; elles acquièrent ainsi une valeur vénale justifiant leur patrimonialité. En l’absence de contingentement, il n’y a pas de rareté créatrice de valeur, car aucun postulant à l’octroi d’une autorisation ne passera par le titulaire d’une autre s’il peut l’obtenir directement de l’administration[46].
Il reste que l’évaluation économique de titre minier pris singulièrement comme droit d’accès à l’exploitation des substances minérales tient compte de leur caractère précaire et temporaire. En effet, un droit d’accès à une ressource naturelle est précaire, et il est toujours accordé pour une durée déterminée. Sa précarité résulte de sanctions d’annulation, de retrait ou de résiliation dont peut faire l’objet le contrat ou l’autorisation qui l’octroi, et l’approche de son terme extinctif est censé affecter progressivement sa valeur marchande[47].
Il découle de ce qui précède que la valeur marchande d’un titre minier est fonction de la régularité de son octroi et de son exercice en conformité aux conditions légales de son renouvellement. Cela signifie que plus longtemps que le titre dure au regard de la conformité de son octroi et de son exercice par rapport aux conditions légales et réglementaires applicables, plus le titre minier négociable aura de la valeur marchande.
L’évaluation proprement dit du gisement, faite sur financement du partenaire donne lieu à passif qui grève le gisement apporté par l’entreprise du portefeuille. Les investissements à consentir doivent être à auteur de financement des activités d’exploration pour garantir la détermination de la valeur réelle requise par l’ article 182
alinéa 4 du Code Minier.
En effet, comme relevé précédemment, la phase de recherche et d’exploration, regroupe l’ensemble des activités conduites dans le but de découvrir, de mettre en évidence l’existence de gisements, de les délimiter et d’en évaluer l’importance et les possibilités d’exploitation commerciales. Une évaluation complète en vue de déterminer la valeur réelle du gisement va requérir de réaliser ou de passer en revue toutes ses phases d’exploration, y compris notamment les analyses de certification.
Les coûts que cela va entraîner, représenteront un passif grevant sur l’actif apporté, généralement consignés sur un fondement contractuel dans la convention de joint-venture au titre de prêt, normalement à charge de l’entreprise du portefeuille apporteur d’autant plus que la valeur économique du gisement doit compter également l’investissement engagés pour sa mise en évidence et la détermination de son caractère économiquement exploitable. C’est grâce à la mise en œuvre de ces coûts que les ressources potentielles, renfermées dans le périmètre couvert par le titre minier d’exploitation, acquièrent la valeur économique intéressante. Aussi, il convient de noter qu’il appartenait justement à l’entreprise du portefeuille d’investir pour mettre en évidence le gisement économiquement exploitable évalué, en sa qualité de titulaire de droit minier d’exploitation, ce à quoi elle était tenue au moment de son octroi en vertu de l’ article 71 (a)
du Code Minier[48]. Cette disposition lui impose de démontrer l’existence d’un gisement économiquement exploitable entre-autre au moyen de la production de l’étude de faisabilité.
Les différentes conventions de joint-venture conclues par les entreprises du portefeuille reprises dans le Rapport final du processus de révisitiation et de renégociation des contrats miniers de novembre 2011 révèlent que le financement de l’étude de faisabilité est, dans la pratique contractuelle courante, laissé à la charge du partenaire privé dont les coûts constituent un prêt à charge de la société de joint-venture constituée.
Ce rôle principal du partenaire privé dans la mise en évidence de la valeur économique du gisement apporté par l’entreprise du portefeuille ne devrait pas rester inopérant dans la répartition des parts sociales ou actions constitutives du capital social de la société de joint-venture.
II.2.2. La répartition des parts ou actions constitutives du capital social de la société de joint-venture
L’ article 182
alinéa 4 du Code Minier pose le principe de répartition en disposant que la participation de l’entreprise du portefeuille apporteur du gisement est fixée en fonction de la valeur réelle du gisement. Comme nous l’avons énoncé précédemment, ce critère de répartition de capital social des sociétés de joint-venture constituées entre les entreprises du portefeuille apporteur d’un droit minier et les partenaires privés, a déjà fait l’objet des termes de référence du processus de révisitation des contrats miniers initié par le gouvernement de la RDC en 2007.
A cet effet, l’absence d’étude de faisabilité, conduisant à une fixation arbitraire des parts sociales dans les joint-ventures, était invoquée parmi les faiblesses de la plupart de joint-venture soumise à la renégociation. Mais déjà à l’issu de cette procédure, la répartition de capital social n’avait pas été modifié dans le sens de ramener les parts sociales et actions des entreprises du portefeuille concernées en fonction de la valeur de gisement apporté à déterminer dans l’étude de faisabilité à réaliser avec le financement du partenaire privé.
Les impératifs de financement des activités de détermination de la quantité et de la qualité du gisement apporté et de développement de projet minier constituaient l’un des obstacles à la mise en œuvre de la résolution concernant la participation des entreprises de portefeuille dans les joint-ventures. L’importance des investissements oblige le plus souvent les exploitants à rechercher des capitaux à l’extérieur. Malgré les profits générés, les projets miniers et pétroliers peuvent connaître certaines difficultés de financement liées notamment à l’extrême volatilité des cours des matières premières sur les marchés internationaux[49]
Les contraintes de financement de projet minier par des marchés financiers internationaux ont toujours été invoqués par les partenaires privés pour maintenir une participation majoritaire dans le capital social, de sorte que la valeur du gisement n’a jusque-là pas été aussi déterminante pour fixer une participation équivalente des entreprises du portefeuille en ayant fait apport dans les sociétés joint-ventures constituées.
Cette difficulté est particulièrement évidente au moment de la création d’une société de joint-venture dans laquelle une entreprise du portefeuille fait apport d’un gisement considéré, bien entendu, comme un apport en nature soumis, de ce fait, à une évaluation sous le contrôle d’un commissaire aux apports, en l’absence de données objectives et certifiées détenues par l’entreprise du portefeuille concernant la quantité et la qualité du gisement apporté.
L’apport en nature devant être intégralement libéré à la constitution de la société, les associés fondateurs sont tenus d’évaluer le gisement en vue de déterminer la hauteur de la participation de l’entreprise du portefeuille en fonction de la valeur réelle du gisement sur le fondement de l’ article 182
alinéa 4 du Code Minier.
Pour ce faire, les opérations à réaliser et les coûts à supporter, sont généralement financés par le partenaire privé qui, de ce fait, participe à la mise en valeur du droit minier apporté, considéré à ce stade juste comme un droit d’accès au gisement dont la valeur économique dépend de l’investissement du partenaire privé. L’évaluation économique du gisement faite par le commissaire aux apports avec l’appui des experts qu’il aurait désigné, devrait indiquer les charges qui grèvent le gisement qui peuvent être exprimées entre associé au moyen d’un prêt à intérêts.
Dans tous les cas, l’ article 182
alinéa 4 ne dit pas que la participation de l’entreprise du portefeuille ayant fait apport du gisement est équivalent à la valeur réelle dégagée du gisement, mais plutôt qu’elle est fixé en fonction de cette valeur. Cela laisse une marge à l’autonomie de la volonté des associés fondateurs de la joint-venture concernée, de sorte que la convention de joint-venture à conclure de même que les statuts de la société à créer peuvent prévoir des conditions contractuelle de fixation, en toute équité, de la participation de chaque associé dans le capital social de la société de joint-venture, eu égard à la valeur réelle du gisement ainsi que des investissements réalisés pour la mise en valeur économique du droit d’accès au gisement détenu par l’entreprise du portefeuille et pour le développement du projet minier.
III. Conclusions
La présente étude met en exergue que chaque associé ou chaque actionnaire est débiteur de l’obligation de faire un apport dans toute société commerciale. Cette obligation s’applique aussi aux entreprises du portefeuille, titulaires de droit minier, qui ont recourt à divers partenariats avec des sociétés de droit privé, en vue de développer des projets miniers autour d’un gisement dans le cadre d’une société de joint-venture constituée à cet effet.
Le Code Minier en vigueur, abandonnant l’énonciation du principe d’égalité devant la loi minière entre les personnes morales de droit public et les personnes privée qui opèrent dans le secteur minier, prévoit en faveur uniquement des entreprises dites de portefeuille, en son article 182
alinéa 4 que l’apport en gisement fait par ces dernières notamment dans les sociétés de joint-venture, fasse l’objet d’une évaluation conformément aux dispositions de l’AUDSCGIE et que leur participation dans les sociétés existantes ou à constituer soit fixée en fonction de la valeur réelle du gisement ayant fait l’objet de l’apport.
Il a été relevé que le terme entreprise du portefeuille utilisé par le législateur du Code Minier sans en donner une définition spécifique, est impropre en ce qu’il se rapporte en droit positif congolais, à toute société dans laquelle l’État ou les personnes morales de droit public détient au moins une participation, entraînant de ce fait dans le régime de l’ article 182
alinéa 4 du Code Minier, toutes les sociétés minières titulaire d’un permis d’exploitation dans la mesure où l’État y détient une participation en vertu de l’ article 71
du Code Minier. Cette lacune est néanmoins incidemment réparée mais avec maladresse par l’ article 375
du Règlement minier qui précise qu’il s’agit de sociétés dans lesquelles l’État est actionnaire majoritaire mais omet de mentionner les autres personnes morales de droit public. En tout état de cause, le terme le mieux approprié suivant l’esprit de la disposition en cause devrait être l’entreprise publique telle que définie par l’article de la Loi sur la gestion du portefeuille de l’État.
Il a été noté que le gisement apporté par les entreprises dites de portefeuille constitue un apport en nature qui peut être fait en propriété comme en jouissance suivant qu’il s’agit d’une cession ou d’une amodiation du droit minier d’exploitation couvrant le gisement apporté ; mais en tout état de cause, le gisement étant constitué des substances minérales, biens non renouvelables, partant fongibles ou consomptibles, l’apport en jouissance de gisement opère un transfert de propriété des substances minérales extraites en faveur de la société de joint-venture constituée.
Conformément aux dispositions applicables de l’AUDSCGIE, le gisement constituant un apport en nature dont la valeur économique est forcément supérieure à cinq millions de francs CFA, son évaluation est soumise au contrôle d’un commissaire aux apports désignés par les associés, ou à défaut d’accord, par le Tribunal de commerce compétent, sur la liste des commissaires aux comptes agréés.
L’évaluation du gisement devrait en principe être facilité par les documents requis ayant justifié l’octroi de droit minier d’exploitation qui le couvre. Cependant, l’exigence de fixation de la participation des entreprises dites de portefeuille apporteur en fonction de la valeur réelle du gisement apporté, consacre une remise en question de l’évaluation du gisement reprise dans les documents en question et requiert que le commissaire aux apports, avec l’appui des experts désignés, procèdent à différentes prestations pour garantir une évaluation correcte du gisement apporté, entrainant la mobilisation d’un investissement généralement pris en charge par le partenaire privé.
La prise en charge par le partenaire privé de l’évaluation du gisement qui lui attribue la valeur économique, ramène ainsi l’apport fait par les entreprises dite de portefeuille à un droit d’accès au gisement et leur fait grever des charges à concurrence de l’investissement fait pour l’évaluation du gisement et le développement du projet minier, dont les associés ou actionnaires tiennent autant compte que la valeur réelle du gisement dans la fixation de leur participation respective dans le capital social de la société de joint-venture constituée ou existante dans laquelle les entreprises dites de portefeuille en font apport.
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[1] Alain Fénéon, Droit des sociétés en Afrique (Ohada), 2ème éd, LGDJ, Paris, 2017, §224, p 126.
[2] Paul le Cannu et Bruno Dondero, Droit des sociétés, 8ème éd, LGDJ, Paris, 2019, §208, p 169.
[3] Il s’agit particulièrement des conventions minières dûment signées et approuvées par Décret et/ou Ordonnance du président de la République sous le régime de l’Ordonnance-loi n°81-013 du 2/04/1981 portant Législation Générale sur les Mines et les Hydrocarbures dont la survivance a été consacrée en vertu de l’ article 340
du Code Minier de 2002, lequel article a été modifié par le Code Minier de 2018 dans le sens de mettre fin à ce régime conventionnel, mais en laissant subsister le doute quant à la réelle volonté du législateur dans la mesure où l’ article 343
du même Code minier de 2018 considère les conventions minières approuvées comme non concernées par la disposition abrogatoire y prévue.
[4] L’article 8 alinéa 3 de la loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant code minier disposait : « L’État peut également, à travers des personnes morales publiques ou organismes spéciaux créés à cet effet, soit seul soit en association avec des tiers, se livrer à une activité régie par le présent Code. Dans ce cas, les personnes morales publiques et les organismes spécialisés de l’État à vocation minière sont soumis aux dispositions du présent Code au même titre que les personnes privées ».
[5] L’article 8 du Code Minier tel que modifié en 2018 est rédigé comme suit : « Le rôle principal de l’État est de promouvoir et de réguler le développement du secteur minier. L’État assure la mise en valeur des substances minérales dont il est propriétaire en faisant appel notamment à l’initiative privée conformément aux dispositions du présent Code. A cet effet, il entreprend, à travers des organismes spécialisés créés à cet effet, des activités d’investigation du sol ou du sous-sol dans le but d’améliorer la connaissance géologique du territoire national ou à des fins scientifiques ou d’amélioration et de promotion de l’information géologique du pays ou de la province qui ne requiert pas l’obtention d’un droit minier ou d’un droit de carrières ».
[6] J.P. Bouvet, L’unité de gisement Hydrocarbures et autres matières minérales, l’Harmattan, Paris, 2004, p 11
[7] article 1er point 24
de la Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code Minier
[8] article 1er point 25
du Code Minier
[9] article 1er point 26
du Code Minier
[10] Article 1er point 28
du Code Minier
[11] Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gisement, consulté le 14 mai 2020
[12] article 71 litera d
du Code minier de 2002
[13] article 71 litera d
du Code Minier actuellement en vigueur
[14] W. Schonborn 1929, « La Nature juridique du territoire », RCADI t.30, V, p. 146 ; S. BASTID 195-1954, le territoire dans le droit international contemporain, p.75 (Paris) ; R. JENNINGS ed 1992, Oppenheim’s international Law, 9th ed, vol.1 (Intro. And Part), p.384 (Londres) cités par Jp Boivet, Op.cit, p. 10
[15] Il s’agit notamment de résolutions 626 du 21 décembre 1952 et 1803 du 14 décembre 1962 de l’Assemblée Générale des Nations Unies, du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, suivi plus tard de la déclaration sur le droit au développement du 04 décembre 1986, de la Charte africaine de droit de l’homme et de peuple
[16] L’article 9 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006, telle que modifiée par la Loi n°11/002 du 20 janvier 2011 dispose que « l’État exerce une souveraineté permanente notamment sur le sol, le sous-sol, les eaux et les forêts, sur les espaces aérien, fluvial, lacustre et maritime congolais ainsi que sur la mer territoriale congolaise et sur le plateau continental. Les modalités de gestion et de concession du domaine de l’État visé à l’alinéa précédent sont déterminées par la loi »
[17] Lire le Rapport final du processus de révisitiation et de renégociation des contrats miniers, élaboré par le Ministère des Mines de la RDC, ed. CEPAS, 2011, p. 5
[18] Idem, pp. 10 à 52
[19] L’article 375 du Règlement Minier couvre la lacune de la rédaction dispose que le formulaire de la cession à retirer au cadastre minier central ou provincial prévoit parmi les renseignements ce qui suit : « en cas de cession d’un titre minier d’exploitation appartenant à une société minière dont l’État est actionnaire majoritaire, un rapport d’évaluation du gisement tel que prévu à l’article 182 alinéa 4 du Code Minier. »
[20] T. Lauriol et E. Raynaud, Le Droit Pétrolier et minier en Afrique, LGDJ, Paris, 2016, § 36-37, p. 43
[21] La réforme sur le régime des entreprises publiques a donné lieu à quatre loi, à savoir : la Loi n° 08/007 du 07 juillet 2008, portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques ; la Loi n° 08/008 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales relatives au désengagement de l’État des entreprises du portefeuille ; la Loi n°08/009 du 07 juillet 2008 portant dispositions générales applicables aux établissements publics ; ainsi que la Loi n°08/010 du 07 juillet 2008 fixant les règles applicables à l’organisation et à la gestion du portefeuille de l’État
[22] Paul le Cannu et Bruno Dondero, Op.cit, § 228, p. 180.
[23] L’article 1er point 42 du Code minier de 2002 définissait les Produits Marchands comme « toutes substances minérales, sous quelques, forme que ce soit, extraites en vertu des droits miniers et/ou de carrières d’exploitation et/ou tout produit élaboré à partie de ces substances dans les usines de concentration, de traitement ou de transformation à des fins commerciales ». Cette disposition est modifiée comme suit dans le Code Minier de 2018 actuellement en vigueur comme suit : « toute substance minérale commercialisable, légalement extraite de manière artisanale, semi-industrielle ou industrielle, ou tout produit élaboré dans des usines de concentration, d’extraction métallurgique ou de traitement, et ce, conformément à la nomenclature édictée par l’autorité compétente ».
[24] article 1er point 4
du Code minier de 2002. Cette disposition est reconduite comme telle dans le Code Minier de 2018. L’amodiation était déjà prévue dans l’Ordonnance-loi n°81-013 du 02 avril 1981 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures dont l’article 35 la définissait comme « un louage pour une durée fixe ou indéterminée, sans faculté de sous-louage, moyennant une rémunération fixée par accord entre l’amodiant et l’amodiataire des droits attachés à un permis d’exploitation ou une concession ».
[25] Thierry Lauriol et Emilie Raynaud, Op.cit, § 237, p. 129
[26] Lire les articles 65
, 89
et 100
du Code Minier
[27] L’article 64 bis alinéa 1er du Code de Minier disposer « le permis d’exploitation confère à son titulaire le droit exclusif d’effectuer, à l’intérieur du périmètre sur lequel il est établi et pendant la durée de sa validité, les travaux de recherches, de développement, de construction et d’exploitation visant les substances minérales pour lesquelles le permis est établi et les substances associés ou non s’il en a demandé l’extension. Il permet en outre, sans limitation, de : (a) entrer dans le périmètre d’exploitation pour procéder aux opérations minières ; (b) construire les installations et infrastructures nécessaires à l’exploitation minière ; (c) utiliser les ressources d’eau et du bois se trouvant à l’intérieur du périmètre minier pour les besoins de l’exploitation minière, en se conformant aux normes définies dans l’EIES et le PGES ; (d) disposer, transporter et commercialiser librement ses produits marchands provenant du Périmètre d’exploitation ; (e) procéder aux opérations de concentration, de traitement métallurgique ou technique des substances minérales extraites du gisement à l’intérieur du Périmètre d’exploitation ; (f) procéder aux travaux d’extension de la mine »
[28] article 1er point 24
du Code minier de 2002
[29] Cliquez ici pour télécharger le Rapport sur le commerce mondial 2010 sur le commerce des ressources naturelles
[30] M. Mukendi Ntantamika, Droit des ressources naturelles (Élément d’élaboration, d’analyse et d’évaluation des lois), L’Harmattan, Paris, 2019, p. 34
[31] Lire Idem, pp. 36-37
[32] Le terme actif naturel est emprunté chez M.Mukendi Ntantamika, qui le définit comme « un gisement ou une réserve de ressources naturelles ayant fait l’objet d’une évaluation économique par rapport à un usage donné et, partant, d’une appropriation publique ou privée », ibidem p. 36.
[33] Paul Le Cannu et Bruno Dondero, Op.cit, § 224, p. 178
[34] Alain Fénéon, Op.cit, § 232, p.131
[35] Lire les reproches formulées notamment contre le partenariat SOKIMO-AGK, SOKIMO-KIBALI Gold, SOKIMO-GORUMBWA,SOKIMO-BORGAKIM, SAKIMA-GEMICO, MIBA-SENGAMINES, KISENGE Manganèse-Cluff Mining Ltd, Boss Mining-GECAMINES, COMIDE-GECAMINES, CHABARA-GECAMINES, COMMUS-GECAMINES, CMSK-GECAMINES in Rapport final du processus de révisitiation et de renégociation des contrats miniers, Op.cit, pp. 9-52
[36] Alain Fénéon, Op.cit, § 233, p. 131
[37] Paul Le Cannu et Bruno Dondero, Op.cit, § 654, p. 476
[38] Alain Fénéon, Op.cit, § 234, p. 132
[39] Idem, § 236, p. 133
[40] L’article 69 du Code Minier dispose « le requérant établit sa demande de Permis d’exploitation et la dépose auprès du cadastre minier conformément aux articles 35 et 37 du présent Code. Il est joint à la demande les documents ci-après : (a) une copie du certificat de recherches en cours de validité ; (b) le rapport sur le résultat de recherches en ce qui concerne la nature, la qualité, le volume et la situation géographique de la ressource minérale identifiée ; (c) l’étude de faisabilité de l’exploitation du gisement ; (d) le plan d’encadrement technique des travaux de développement, de construction et d’exploitation de la mine ; (e) l’Etude d’Impact Environnemental et Social (EIES) et le Plan de Gestion Environnementale et Sociale pour le Projet (PGES) ; le rapport sur les consultations avec les communautés locales et leurs représentants en application notamment des dispositions de la loi portant les principes fondamentaux relatifs à l’environnement ; (g) le plan pour la contribution du projet au développement des communautés environnantes ; (h) le plan de financement avec identification des sources de financement visées ; ainsi que (i) la preuve de paiement des frais de dépôt »
[41] En France la Cour de Cassation a jugé que le commissaire aux apports qui, à l’occasion d’une fusion (mais la solution vaut aussi en cas d’apport partiel d’actif ou de constitution de société), a fautivement approuvé une surévaluation des apports en nature de la société absorbée ayant donné une apparence trompeuse de solvabilité à la société absorbante n’est tenu d’indemniser les créanciers de celle-ci, trompés de cette apparence, qu’à hauteur de l’aggravation de l’insuffisance d’actif qu’il a contribué à créer et non à réparer le préjudice résultant, pour les créanciers de la société absorbante mise en redressement puis en liquidation judiciaire, de la poursuite de l’activité de celle-ci après la fusion (Cass.com 7-1-2014 n°12-23.640 : BRDA 5/14 in.5, citée Code pratique OHADA, Ed. Francis LEFEBVRE, Paris, 2016, p. 1264). Dans le même sens, il a été jugé que la responsabilité du commissaire aux apports pour faute est engagée à la condition d’établir que la faute de celui-ci a causé un préjudice aux associés, à la société ou à des tiers et qu’il existe un lien de causalité entre la faute et le préjudice (TGI Lille 17-41977 : Bull CNCC1977 p.229, in idem)
[42]CA Bourges 2-11-2006 n°06-620 ; RJDA 6/07 n°625, cité dan Idem pp. 1263-1264
[43] Lire les articles 312
alinéa 7-8 et 403
alinéa 2 et 3 de l’AUDSCGIE.
[44] M.Mukendi Ntantamika, Op.cit, p.34
[45] M. Mukendi Ntantamika, Op.cit, p.339
[46] Maxence Cormier, “Fondement de la patrimonialité des actes administratifs”, in Revue française de droit administratif, n°1, janvier-février 2009, 25ème, pp 1-7, cité par Idem
[47] M.Mukendi Ntantamika, Op.cit, p.337
[48] L’ article 71 (a)
du Code Minier dispose « L’octroi du Permis d’exploitation est subordonné aux conditions suivantes dans le chef du requérant : (a) démontrer l’existence d’un gisement économiquement exploitable en présentant une étude de faisabilité, accompagnée d’un plan d’encadrement technique des travaux de développement, de construction et d’exploitation de la mine ».
[49] Thierry Lauriol et Emilie Raynaud, Op.cit, §501, p.249
Bravo. Très instructif, clair et enrichissant. Merci
Toutes mes félicitations Cher Mê PBL, j’ai été très enrichi par cet article. Encore que j’éprouvais quelques difficultés sur la compréhension de cette participation de l’Etat dans une joint-venture.
Un bon article. Il me renvoie à la problématique des contrats dits “chinois”.
Félicitations pour cet exercice intellectuel.
Félicitations ya Patrick
Bravo, bel Article.
C’est bien détaillé.Congratulations
functionalities
Cet article m’a aidé à émettre un avis juridique. Merci beaucoup
Très belle nuance fait par Maitre Bondonga
Un article très pertinent
En menant mes recherches sur le joint-venture
Je suis tombé dans ça.