Dans l’arrêt n° 006/2018 du 11 janvier 2018, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, – CCJA -, a explicité la notion du tiers saisi en ces termes : « le tiers saisi est celui qui, au moment de la saisie, détient effectivement des fonds appartenant au débiteur. Ainsi, lorsque le solde de compte d’une société dans une banque est négatif à la date de la saisie, l’on ne peut considérer cette dernière comme tierce-saisie, et partant ne peut être condamnée au paiement des causes de la saisie. ».
La combinaison de cet arrêt et celui n° 062/2014 rendu le 25 avril 2014 permet de conclure que les dispositions de l’ article 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, – AUPSRVE -, s’appliquent exclusivement au tiers saisi, c’est-à-dire la personne qui détient effectivement des sommes d’argent dues au débiteur saisi en vertu d’un pouvoir propre et indépendant. Ces dispositions ne peuvent pas s’appliquer lorsque la personne qui a fait la déclaration n’a pas la qualité de tiers, et ce, même si l’inexactitude de la déclaration est établie.
Le contexte de l’arrêt n° 062/2014 rendu le 25 avril 2014
Cet arrêt a été rendu dans une affaire qui opposait la Banque Sahélo-saharienne pour l’Investissement et le Commerce, – BSIC-SA -, à la société AIT International Ltd.
Les faits de la procédure indique que l’affaire est née de par un jugement du Tribunal de grande instance de Ouagadougou qui avait condamné solidairement Messieurs Abdoulaye et Rasmané à payer à la société AIT International Ltd une importante somme d’argent, pour des faits qualifiés d’escroquerie et complicité d’escroquerie. En vertu de ce jugement, la société AIT International a fait pratiquer des saisies attributions entre les mains de la BSIC ainsi que d’autres institutions financières pour obtenir paiement du montant total de la condamnation.
Ayant failli à leurs obligations de tiers saisis notamment le défaut de déclaration, les institutions financières dont la BSIC se sont vues attraites devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de Ouagadougou au paiement des causes de la saisie.
Le juge des référés dudit Tribunal, par une ordonnance rendue le 15 mars 2007, avait annulé le procès-verbal de saisie-attribution et débouté la société AIT International Ltd. Ce juge estimait que la responsabilité du tiers saisi ne pouvait être engagée que dans l’hypothèse où il aurait des obligations vis-à-vis des débiteurs saisis. Sur appel de AIT International Ltd, la Cour d’appel de Ouagadougou a rendu une ordonnance de référé, objet du pourvoi.
Les institutions financières saisies dont la BSIC faisaient grief à l’ordonnance de référé de la Cour d’appel de leur avoir attribué la qualité de tierce saisie, alors qu’elles n’avaient pas d’obligation envers les débiteurs principaux avec lesquels elles n’ont jamais entretenues de relations contractuelles.
Le fondement de l’arrêt n° 062/2014
Dans cet arrêt, la CCJA a posé un fondement pratique et solide quant à l’application de l’ article 156 AUPSRVE. Elle a relevé que le défaut de déclaration ou la déclaration tardive ne peut aboutir à la condamnation au paiement des causes de la saisie d’un tiers qui n’a pas d’obligation envers le débiteur saisi. Car même si cette déclaration était donnée dans les délais légaux, elle n’aurait eu aucun impact sur la saisie-attribution dès lors que la personne qui a fait ou n’a pas fait la déclaration, ou l’a faite tardivement, n’a pas la qualité de tiers au sens des dispositions de l’acte uniforme.
Ces dispositions ne peuvent donc pas s’appliquer lorsque la personne qui a fait la déclaration n’a pas la qualité de tiers, et ce, même si l’inexactitude de la déclaration est établie.
Bon à savoir : les causes de la saisie – sont entendues comme les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée. En d’autres termes, il y a subrogation dans le chef du créancier. La subrogation est une opération juridique triangulaire. Le titulaire d’un droit de créance, appelé le subrogeant (le débiteur principal, in specie), transmet au bénéficiaire de la subrogation, appelé le subrogataire (le saisissant, in specie), la créance qu’il détient sur un tiers qui est son propre débiteur, dit le subrogé (la banque, in specie). Dans le cas d’espèce, elle s’opère du seul fait de l’Acte uniforme. Le subrogataire, devient créancier du subrogé en lieu et place du créancier initial, le subrogeant. Le bénéficiaire de la subrogation peut exercer les droits et actions que par ce moyen qu’il a reçu du subrogeant.
Vue sous cet angle, la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie et éventuellement aux dommages et intérêts ne peut être poursuivie, en principe, que selon les voies de droit commun. Si le créancier saisissant opte pour la procédure d’injonction de payer, le juge saisi ne peut faire droit à sa demande que si les conditions d’une injonction de payer sont remplies.
De plus, les dispositions de l’ article 156 AUPSRVE ne subordonnent pas la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie à la démonstration d’un préjudice qu’aurait subi le créancier du fait de la déclaration inexacte du tiers saisie[1].
Consulter l’arrêt n° 062/2014 du 25 avril 2014
[1] CCJA, 1e Ch., n° 163 du 17 décembre 2015 : Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire c/ Société ivoirienne de Ciment et Matériaux, cité par Mahutodji Jimmy Vital Kodo et Alîis, Code pratique – Ohada – Traités, Actes uniformes et Règlements annotés, éd. Francis Lefebvre, Paris, 2016, p. 917