Dans son arrêt REA 037 du 13 mai 2019, le Conseil d’État a réaffirmé un principe en matière de contentieux électoral : les Cours d’appel, siégeant comme juridiction de l’ordre judiciaire, sont matériellement incompétentes pour statuer sur les recours portant sur les résultats des élections provinciales. Le juge administratif suprême a, ce faisant, annulé la décision d’une Cour d’appel qui s’était indûment saisie d’un litige relevant de la compétence exclusive de l’ordre administratif.
Les faits
La procédure trouve son origine dans un litige électoral opposant deux regroupements politiques : le Mouvement Social (MS), représenté par son président Monsieur M.O. Alexandre, et le Regroupement politique Républicains Indépendants et Alliés (RIA).
Le différend portait sur la validité de la proclamation des résultats provisoires par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), laquelle avait proclamé élu, dans la circonscription de Bolomba, Monsieur M.T.A. Simon sous le label du MS. Le regroupement RIA contesta cette décision devant la Cour d’appel de l’Équateur, qui, par arrêt RCE/R 162 du 3 mars 2019, fit droit à ses prétentions et proclama Monsieur E.B. Jean-Pierre élu député provincial à la place du candidat initialement désigné.
Estimant la décision infondée, le président du MS interjeta appel devant le Conseil d’État. Ce dernier, avant même d’aborder le fond du litige, a soulevé d’office un moyen d’ordre public tiré de l’incompétence matérielle de la Cour d’appel de l’Équateur, qui avait statué dans cette affaire.
Fondement juridique de l’arrêt
L’analyse du Conseil d’État repose principalement sur l’interprétation combinée des articles 154 de la Loi organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 et l’407 de la Loi organique n° 16/027 du 15 octobre 2016.
L’article 154 précité prévoyait, à titre transitoire, que la Cour Suprême de Justice et les Cours d’appel exerceraient les compétences respectivement attribuées au Conseil d’État et aux Cours administratives d’appel, en attendant l’opérationnalisation des juridictions de l’ordre administratif. Cependant, cette disposition renvoyait expressément à l’application des articles 146 à 149 de l’Ordonnance-loi n° 82-020 du 31 mars 1982, qui ont été abrogés par l’article 407 de la Loi organique n° 16/027.
De ce fait, depuis l’entrée en vigueur de cette nouvelle loi organique, les juridictions appelées à connaître des contentieux administratifs – dont le contentieux des résultats des élections provinciales – doivent se référer aux articles 94 à 101 de ladite loi et siéger comme Cour administrative d’appel et non comme Cour d’appel.
En conséquence, la Cour d’appel de l’Équateur ne pouvait valablement siéger comme juridiction de l’ordre judiciaire en matière de contentieux électoral provincial, et ce même lorsqu’elle agit par sa “section administrative”. Le fait qu’elle ait exercé cette compétence méconnaît à la fois la lettre et l’esprit de la loi organique de 2016, ce qui a entraîné l’annulation pure et simple de sa décision par le Conseil d’État.
Jurisprudence constante
Cette position avait déjà été affirmée par le Conseil d’État dans un précédent arrêt (REA 001), dans une affaire similaire opposant l’Alliance des Forces Démocratiques du Congo et Alliés (AFDC-A) au Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD). Dans cette affaire, la Cour d’appel de Kananga, siégeant en matière de contentieux électoral, avait vu sa décision annulée pour les mêmes motifs d’incompétence matérielle.
Le Conseil d’État y avait clairement énoncé que les contentieux électoraux relevant de l’ordre administratif ne peuvent être tranchés par des juridictions de l’ordre judiciaire, et que toute décision rendue en méconnaissance de ce principe est entachée d’une irrégularité grave justifiant son annulation.
Très bel arrêt