Par Maître Junior Muzamba M.
Avocat au Barreau près
la Cour d’appel de Kwilu (Ex Bandundu)
Introduction
Identifiée pour la première fois à Wuhan en chine, le Covid-19 bouleverse et fragilise l’économie mondiale en générale et celle de la République démocratique du Congo en particulier. Cette situation n’a épargné aucun domaine de la vie et touche singulièrement la relation du travail entre employeur et travailleur.
Cette pandémie a obligé plusieurs États à des changements radicaux dans leur fonctionnement. Certains pays ont instauré l’état d’urgence à l’effet de faciliter l’implémentation des mesures sanitaires
De manière présumable, la République démocratique du Congo s’est inscrite dans cette logique. Le Président de la République, dans un message adressé à la nation, avait décrété l’état d’urgence.
En effet, l’état d’urgence est une mesure prise par un gouvernement en cas de péril imminent dans un pays. En République démocratique du Congo, en cas de proclamation de l’état d’urgence, certaines libertés fondamentales peuvent être restreintes, comme la liberté des réunions ( article 25 de la Constitution), la liberté de manifestation ( article 26 de la Constitution) ou encore la liberté de circulation sur le territoire national ( article 30 de la Constitution).
Lire Proclamation de l’état d’urgence : lorsque la Cour constitutionnelle est indécise !
LégalRDC
Ainsi, plusieurs activités, principalement au centre-ville à la Gombe, ont été mis à l’arrêt pendant plusieurs mois par la proclamation de l’état d’urgence du à la crise sanitaire.
L’intérêt de cette brève analyse est de relever les répercussions juridiques de la pandémie du Covid-19 en matière du travail (I) et de tirer les conséquences de Droit de cette situation au contrat du travail (II) avant de conclure et faire des propositions (III).
I. De la nature juridique du Covid-19
Pour faciliter l’exécution des mesures sanitaires et faire face au Covid-19, la RDC avait instauré l’état d’urgence.
Ainsi, en entrainant la proclamation de l’état d’urgence, pouvons-nous considérer le Covid-19 comme un événement ou une situation inconnue et imprévisible par l’humanité.
En droit, le Covid-19 peut être qualifiée de force majeure c’est-à-dire un événement imprévisible, irrésistible et insurmontable faisant définitivement obstacle à l’exécution du contrat[1].
La force majeure est entendu comme le fait extérieur aux parties à un contrat, qui empêche l’exécution de l’obligation pour une cause indépendante de la volonté de l’une ou l’autre parties au contrat[2].
La jurisprudence retient comme cas de force majeure :
1° tout évènement imprévu et imprévisible qui oppose un obstacle absolu et insurmontable à l’exécution (Elis., 22 février 1941, RJCB 1941, p. 54 ; Kinshasa/Gombe, RTA 3292/3050 du 05 janvier 1996, préc., RTA 5065 du 22 septembre 2005, Malila Air Lift c/ Kuvula, préc.) ;
2° les pillages, la destruction et le vol des instruments de travail de l’employeur (RTA 3292/3050 du 05 janvier 1996, préc.) ;
3° Pour constituer un cas de force majeure, l’impossibilité d’exécution ne doit pas être simplement plus difficile ou plus onéreuses ; elle doit être absolue. Tel n’est pas le cas de la difficulté éprouvée par l’employeur de réaffecter le travailleur (Kinshasa/Gombe, RTA 5065 du 22 septembre 2005).
Dans la relation salariale, il y a force majeur lorsque l’événement survenu est imprévisible, inévitable, non imputable à l’une ou l’autre partie et constitue une impossibilité absolue d’exécution d’obligation contractuelle[3]. L’événement reçoit la qualification de force majeure – par l’inspecteur du travail – lorsque sa genèse n’est pas imputable à la faute au débiteur de l’obligation[4]. Dans cet optique, la proclamation de l’état d’urgence sanitaire du à la crise au Covid-19 est bien un cas de force majeure.
Examinons à présent les répercussions en droit de la crise due au Covid-19 au contrat du travail.
II. Les répercussions en droit de la crise due au Covid-19 au contrat du travail
L’on doit noter d’entrée de jeu que le contrat de travail est de deux types à savoir : le contrat à durée déterminée et le contrat à durée indéterminée.
La proclamation de l’état d’urgence sanitaire du à la crise du Covid-19, comme force majeure doit être constatée par l’inspecteur du travail. Cela a pour conséquence la suspension du contrat de travail peu importe le type[5] tout en déliant l’employeur et le travailleur de toute obligation l’une envers l’autre pendant la période suspensive[6].
Toujours est-il que le contrat ne peut être résilié, à l’initiative de l’employeur ou du travailleur, qu’après deux mois de suspension sans indemnité c’est-à-dire le décompte final. C’est dire qu’aussi bien l’employeur que le travailleur peuvent constater la rupture du contrat de travail. Il appartient à la partie qui dénonce la rupture du contrat d’apporter la preuve de l’existence de l’événement de force majeure.
Par ailleurs, la procédure de rupture ainsi que les effets de la force majeure se distinguent selon qu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée ou indéterminée.
En matière de contrat à durée déterminée, la force majeure exonère le contractant de toute responsabilité et indemnité du fait de la rupture anticipée. Pour les contrats à durée indéterminée, l’employeur notifie la suspension au travailleur et après deux mois, il a le droit de résilier le contrat. Les effets sont alors : absence d’observation de préavis, aucune indemnité pour rupture abusive car non imputable à l’employeur.
Cependant, nous estimons que le législateur n’a pas équilibré les droits de l’employeur et du travailleur en donnant la possibilité de la résiliation sans indemnité aux parties. Il est clairement établi qu’entre l’employeur et le travailleur, la partie économiquement forte est l’employeur.
Alors, la force majeure à l’heure actuelle du Covid-19 peut constituer un moyen pour l’employeur de congédier le travailleur sans indemnité, surtout des travailleurs qui ont une ancienneté aussi importante. Ainsi, pendant ou après la pandémie, l’on doit s’attendre à des conflits individuels dont l’issue sera légalement heureuse pour l’employeur.
III. Conclusion
La pandémie du Covid-19 paralyse le train de vie de l’économie mondiale en général et particulièrement celle de la RDC. Etant de nature juridique une force majeure, elle constitue un danger face à la relation salariale entre l’employeur et le travailleur par le fait de prévoir la possibilité de la résiliation sans indemnité.
De lege ferenda, le législateur doit soumettre le constat de la force majeure fait par l’inspecteur du travailleur à l’approbation judiciaire question de rendre opposable à toutes les parties la décision qui sera prise ; et prévoir la possibilité de la résiliation avec la moitié de l’indemnité et ce, sera équilibré et équitable pour toutes les parties.
Lire également La Covid-19 et ses possibles implications en matière du travail
LegalRDC
[1] JM Kumbu ki Ngimbi, Droit social – Droit du travail et de la sécurité sociale, Galimage, Ed. 2015, Kinshasa, p. 56
[2] De Page (H), Traité élémentaire de droit civil belge, t. IV, Bruylant, Bruxelles, 1972, n° 841
[3] Vital Ilunga Kasongo, Code du Travail : modifié, complété et annoté, Ed., Nouveaux élans, Kinshasa, 2019, p. 63
[4] Mukadi Bonyi, Droit du travail, CRDS, Bruxelles, 2008, p. 398
[5] article 57 alinéa 2 du Code du travail tel que modifié et complété à ce jour
[6] article 59 Code du travail