Réglementation applicable dans le secteur minier relativement aux obligations
incombant aux titulaires de droits miniers en rapport avec la sécurité et l’hygiène
Par Steve MANUANA K.
Avocat d’affaires
Il ressort des dispositions de l’article 167 de la Loi n° 015/2002 du 16 octobre 2002 portant Code du travail telle que modifiée et complété par la Loi n° 16/010 du 15 juillet 2016 (« Code du travail ») que toute entreprise ou tout établissement de quelque nature que ce soit occupant des travailleurs a l’obligation de constituer un comité de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail.
Sur pied de cette disposition, le Ministre de l’Emploi, du Travail et de la Prévoyance Sociale (« Ministre du Travail ») a pris l’Arrêté ministériel n° 12/CAB.MIN/ETPS/043/2008 du 08 août 2008 fixant les conditions d’organisation et de fonctionnement des comités de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail (l’« Arrêté de 2008 »).
D’aucuns soutiennent que l’Arrêté de 2008 devrait être d’application au sein de toutes les entreprises peu importe leurs nature et secteur d’activités.
Cette thèse est d’autant plus appuyée par l’article 2 de l’Arrêté de 2008 qui dispose : « Sans préjudice des dispositions de l’article 167 du Code du travail, le présent Arrêté s’applique à toutes les entreprises ou établissements industriels ou commerciaux et leurs dépendances, de quelque nature que ce soit, publics ou privés, laïcs ou religieux même s’ils ont un caractère coopératif, d’enseignement professionnel ou de bienfaisance, y compris les entreprises où ne sont employés que les membres de famille sous l’autorité paternelle, soit du père, soit de la mère, soit du tuteur.
Sont également visés par cet Arrêté, les offices publics ou ministériels, les professions libérales, les sociétés civiles, les syndicats professionnels, les associations, organisations ou groupements de quelque nature que ce soit, ainsi que les entreprises ou établissements hospitaliers publics ou privés ».
A lire les dispositions ci-dessus, on serait tenté de croire que l’Arrêté de 2008 s’applique effectivement à toutes les entreprises, sans aucune distinction tant de natures que de secteurs d’activités, y compris les activités minières. Quod non !
C’est ainsi que dans le présent article, nous allons analyser du véritable contenu des textes légaux et réglementaires régissant le secteur de la sécurité et l’hygiène au sein des entreprises en général notamment l’Arrêté de 2008 et d’autres textes réglementaires (I) puis la Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002 portant code minier telle que modifiée et complétée par la Loi n°10/001 du 09 mars 2018 (« Code minier ») et le Décret n°038/2003 du 26 mars 2003 portant règlement minier tel que modifié et complété par le Décret n° 18/024 du 08 juin 2018 (« Règlement minier ») (II) afin de démontrer qu’il existe une réglementation spéciale ou particulière applicable dans le secteur des mines en matière d’hygiène et sécurité des lieux de travail.
I. Du véritable contenu de l’Arrêté de 2008
Il convient de rappeler que l’Arrêté de 2008 a revu l’arrêté départemental n° 78/004bis du 23 janvier 1978 portant institution des comités d’hygiène et de sécurité dans les entreprises (l’« Arrêté de 1978 »).
Aux termes de l’article 1er de l’Arrêté de 1978 il était disposé que : « il sera institué un comité d’hygiène et de sécurité dans tout établissement désigné par le ministre du Travail et de la Prévoyance sociale sur rapport des services compétents.
Sont exclus du champ d’application du présent arrêté, les entreprises minières et leurs dépendances ».
En excluant expressément les entreprises minières et leurs dépendances, l’auteur de l’Arrêté de 1978 n’ignorait aucunement l’existence de l’arrêté départemental n° 0069/CAB/DEP MIN/73 du 15 novembre 1973 portant institution des comités de sécurité et d’hygiène dans les entreprises minières et leurs dépendances (l’« Arrêté de 1973 ») pris par le Commissaire d’Etat aux Mines conformément notamment à la législation minière de l’époque à savoir (i) l’ordonnance-loi n° 67-231 du 11 mai 1967 portant législation générale sur les mines et hydrocarbures et (ii) l’ordonnance n° 67-416 du 23 septembre 1967 portant règlement minier.
Il en découle qu’après janvier 1978, deux textes réglementaires régissant le secteur d’hygiène et sécurité au sein des entreprises étaient en vigueur dont celui de 1973 applicable aux comités de sécurité et d’hygiène dans les entreprises minières et leurs dépendances, tandis que celui de 1978 s’appliquait aux comités d’hygiène et de sécurité dans les entreprises autres que minières.
Considérant que l’Arrêté de 2008 n’a revu que l’Arrêté de 1978 pour autant qu’ils sont, tous les deux, l’émanation d’une même autorité de tutelle en l’occurrence le Ministre du Travail, il est plus qu’évident que l’Arrêté de 1973, œuvre du Commissaire d’Etat aux Mines, équivalent au Ministre des Mines à ce jour, continue de survivre car n’ayant jamais été expressément abrogé à ce jour. Ce faisant, l’Arrêté de 1973 fait partie de la réglementation particulière devant être appliquée aux entreprises minières en ce qui concerne l’organisation et le fonctionnement de leurs comités d’hygiène et sécurité.
Vu sous cet angle, l’article 17 de l’Arrêté de 2008 pris par le Ministre du Travail qui abroge toutes les dispositions antérieures contraires ne concerne nullement les dispositions de l’Arrêté de 1973 pris par le Commissaire d’État aux Mines.
II. Ce que prévoit le Code minier – le spécial déroge au général
Le Code minier en son article 207, fait mention d’une réglementation particulière ou spéciale en disposant que : « L’exploitation des mines est soumise aux mesures de sécurité, d’hygiène et de protection édictées par des règlements spéciaux ».
L’article 492 du Règlement minier renchérit en disposant que : « Conformément à l’article 207 du Code minier, les normes ainsi que les modalités de sécurité dans le travail, de l’hygiène et de la santé applicables aux titulaires des droits miniers ou de carrières, aux coopératives minières et/ou des produits de carrières et à toute personne résidant ou travaillant sur le site des opérations minières ou des carrières font l’objet d’une réglementation particulière ».
Il en résulte que pour qu’il y ait une réglementation spéciale ou particulière, il doit y avoir au préalable une réglementation d’ordre général. Tel est, à notre avis, le cas des dispositions du Code du travail ainsi que de l’Arrêté de 2008 qui constituent une réglementation d’ordre général en matière des comités d’hygiène, sécurité et santé dans la mesure où il est censé s’appliquer à toutes les entreprises ou établissements industriels ou commerciaux et leurs dépendances, de quelque nature que ce soit, publics ou privés, (…).
En revanche, l’Arrêté de 1973, eu égard à sa spécificité dans la mesure où il ne régit que les comités d’hygiène et sécurité des entreprises minières et leurs dépendances, devrait être considéré sans aucun doute, comme faisant partie de la réglementation particulière ou spéciale dans la mesure où il est pris en application de la législation minière qui, de par sa nature, revêt un caractère spécial.
Ce raisonnement pourtant cohérent soulève plusieurs controverses entre praticiens et/ou experts en droit minier d’une part et d’autre part en droit du travail, lors des échanges découlant des missions de contrôle que connaissent les entreprises minières en pratique alors qu’en cas de contravention en matière d’hygiène et sécurité dans le secteur minier, la sanction selon l’article 306 du Code minier serait la servitude pénale d’un mois à un an et une amende dont le montant en francs congolais est l’équivalent de 5.000 USD à 10.000 USD ou l’une de ces peines seulement.
Le Code du travail et ses textes d’application reconnaissent à l’Inspection du travail la compétence d’exercer le contrôle en matière d’hygiène et sécurité (article 187 point 1 du Code du travail), tandis que la législation minière en l’occurrence le Règlement minier en son article 11 dispose que : « la Direction de Protection de l’Environnement Minier (« DPEM ») est chargée de, en collaboration avec l’Agence Congolaise de l’Environnement, le Fonds National de Promotion et de Service Social et, le cas échéant, tout autre Organisme de l’Etat concerné, assurer le contrôle et le suivi des obligations incombant aux titulaires des droits miniers et de carrières, des Entités de traitement ou de transformation des substances minérales, des laboratoires d’analyses de produits miniers marchands en matière de sécurité, d’hygiène, de santé, de protection de l’environnement dans le secteur des mines ».
Face à ces deux dispositions dont l’une relève de la législation sociale et l’autre de la législation minière, les titulaires de droit minier ont tendance à opposer logiquement aux inspecteurs et contrôleurs en matière du travail le respect de la législation minière en vertu de son caractère spécial en lieu et place de la législation en matière sociale qui est d’ordre général et ce, conformément à une règle fondamentale de droit « Specialia generalibus derogant».
Cette règle signifie que la règle spéciale écarte la règle générale. Ainsi, lorsque deux cadres juridiques peuvent s’appliquer à une situation, l’un spécifique et l’autre général, c’est le cadre spécifique qui doit être appliqué.
CONCLUSION
Il résulte de tout ce qui précède que, contrairement à la thèse soutenue par plusieurs praticiens du droit, inspecteurs et contrôleurs en matière du travail, la réglementation applicable dans le secteur minier relativement aux obligations incombant aux titulaires de droits miniers en rapport avec la sécurité et l’hygiène revêt bel et bien un caractère spécial ou particulier tel qu’il ressort du Code minier, du Règlement minier et de l’Arrêté de 1973, de sorte que les dispositions du Code du travail en la matière ainsi que l’Arrêté de 2008 ne sauront être appliqués dans le secteur minier.
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Confrère,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre avis sur cette question pertinente. Néanmoins, je ne le partage pas.
En effet, déjà l’évolution de la législation (minière et du travail) ainsi que de la réglementation sur la question du Comité d’hygiène, est de nature à remettre en cause l’applicabilité de l’arrêté de 1973.
D’un point de vue évolution de la législation, vous noterez que l’arrêté de 1973 avait été pris en exécution du Règlement minier de 1967 (Ordonnance n°67-416 du 23 septembre 1967 portant Règlement minier) qui avait été, à son tour, prise en exécution de la loi minière de 1967 (Ordonnance-loi n°67-231 du 11 mai 1967, portant législation générale sur les mines et hydrocarbures). Cette dernière a été abrogée par la loi minière de 1981 (Ordonnance-Loi n°81-013 du 2 avril 1981 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures). Et donc le soubassement législatif de l’arrêté de 1973 a été abrogé.
Aussi, de 1967 jusqu’avant le Code du travail de 2002 (Loi n°015/2002 du 16 octobre 2002 portant Code de Travail), la loi de 1967 (Ordonnance-Loi n°67/310 du 9 Août 1967 portant Code du Travail) prévoyait, à son article 139 bis, que le Ministre du Travail et à la Prévoyance Sociale pouvait instituer, par arrêté, des comités d’hygiène et de sécurité dans les établissements présentant des risques d’accidents de travail et de maladies professionnelles qu’il désigne. Avec cette disposition, ce Code n’avait pas institué un Comité d’hygiène et sécurité unique à tout type d’entreprise quelle que soit leur nature. C’est donc de la sorte, qu’il était, en ce temps là, compréhensible que le Ministère des Mines ait institué, par l’arrêté de 1973, un CHS pour les entreprises minières et que le Ministre du travail, par son arrêté de 1978, ait institué un autre CHS pour les autres entreprises, exclusion faite des entreprises minières.
Mais, dès lors que la législation du travail, par le Code de 2002, a changé les modalités du CSHE, en le voulant identique et applicable à toutes les entreprises, cela remet en cause justement la légalité de l’arrêté de 1973. En effet, l’article 167 du Code du travail prévoit clairement que “Toute entreprise ou tout établissement de quelque nature que ce soit occupant des travailleurs a l’obligation de constituer un comité de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail”. Cette disposition a le mérite d’être claire sur le champ de son application, à savoir ” toute entreprise ou établissement de quelle que nature que ce soit”. Cette formulation n’ouvre pas la brèche à une quelconque possibilité d’une exception. Encore que l’arrêté de 2008 pris en exécution de cette disposition précise, en contredisant l’arrêté de 1973, que “Sans préjudice des dispositions de l’article 167 du Code du travail, le présent arrêté s’applique à toutes les entreprises ou établissements industriels ou commerciaux et leurs dépendances, de quelque nature que ce soit, publics ou privés, laïcs ou religieux même s’ils ont un caractère coopératif, d’enseignement professionnel ou de bienfaisance, y compris les entreprises où ne sont employés que les membres de famille sous l’autorité paternelle, soit du père, soit de la mère, soit du tuteur.”
Par ailleurs, quoique le droit minier étant une matière spéciale, il faut noter que les dispositions des articles 207 du Code minier ainsi que de l’article 462 du Règlement minier, sont assez générales sur la question de l’hygiène et sécurité, dès lors qu’elles ne portent que sur les “normes” et les “modalités”, et ne sont pas spécifiques aux Comités d’hygiène et sécurité, pour ainsi constituer des dispositions spéciales.
C’est pourquoi, je suis de l’avis contraire, en ce que, d’une part, l’arrêté de 1973 ne pouvant être d’application pour illégalité à l’égard du Code du travail et sachant que la loi prime (a autorité) sur la réglementation, et d’autre part, que la législation (Code minier) et réglementation minière, ne portent pas des dispositions spécifiques aux CSHE, pour que le principe de la spécialité (“Specialia generalibus derogant”) leur donne l’avantage de l’application face aux dispositions du Code du travail.
Du même avis, et surabondamment, le Ministère du Travail a évolué dans sa position en prenant l’Arrêté n*002/ CAB/MINETAT/ METPS/ 01/2021 portant Agrément d’un organisme de prévention de risques professionnels pour exercer ses activités sur toute l’étendue du territoire national, notamment en matière de santé et sécurité au travail. Cette structure ( KGI SARL) a reçu le monopole exclusif d’organiser, contrôler et certifier toutes entreprises ( en ce compris et surtout celles minières) en ce qui concerne les comités de sécurité, d’ hygiène, d’embellissement des lieux de travail. Cette société est actuellement déployée dans les provinces minières pour ce travail…
merci pour cette éclaircissement détaille, suis vraiment très content car je fais un travail sur l’Exploitation minière face au droit à la santé des travailleurs dans l’industrie minière, votre apport et si enrichissante.
Absolument d’avis avec Maître MICHAUX SINDANI. Dans la pratique, les entreprises minières sont dépassées et ne savent pas toujours quelles dispositions mettre en application. Le monopole octroyé à KGI SARL ( dont parle Maître ILEO) soulève également plusieurs questions de droit, surtout en ce qui concerne les entreprises minières régies par le Code Minier et le règlement minier.
Il est plus temps que les organisations patronales principalement la FEC interpellent les ministères intéressés par la question des Comités SHE.
je partage l’avis de Maître SINDANI
Je ne suis pas juriste. J’ai lu avec intérêt l’article de Me Steve et la réaction de Me Michaux. Il me vient alors à l’esprit quelques questions, car de mon avis la logique de Me Steve me semble correcte.
S’il est vrai que le commissaire aux Mines est l’équivalent du ministre de mines, n’est-il pas plus judicieux que le ministre des mines abroge l’arrêté de 1973 plutôt que le ministre du travail et prévoyance sociale? Le ministre du travail a-t-il préséance sur le ministre des mines? Il y a plusieurs domaines d’activités, le fait d’avoir spécifiquement un ministre des mines n’est-il pas suffisant pour considérer le travail des mines comme un domaines qui s’écarte de la généralité?
Bonjour Maître Teddy,
Il ne devrait pas y avoir de question concernant la compétence en la matière. L’exclusivité de la thématique d’hygiène et de sécurité est de la responsabilité de l’inspection du travail Delors, dans la mesure où elle concerne les travailleurs.
M’abstenant de participer à un débat quelque peu stérile entre spécialisation ou généralisation, bien que j’aie également des arguments à cet égard, je préfère emprunter le chemin le plus direct. C’est pourquoi je vous renvoie à la Convention (n° 155) sur la sécurité et la santé.
Je tiens à vous rappeler qu’en République Démocratique du Congo, lorsqu’un texte légal est en contradiction avec une convention internationale ratifiée, la question de la primauté du droit international est soulevée. Conformément à l’article 215 de la Constitution de la RDC, « les traités et conventions dûment ratifiés ont une valeur supérieure à celle des lois nationales. »
En cas de conflit entre une loi nationale et une disposition d’une convention ratifiée, la convention doit prévaloir. Cela implique qu’un juge peut choisir d’appliquer la convention, même si cela signifie ignorer une loi nationale.
Dans ce cas particulier, l’article 169 du code du travail et l’Arrêté ministériel n° 12/CAB.MIN/ETPS/043/2008 du 08/08, qui fixe les conditions d’organisation et de fonctionnement des comités de sécurité, d’hygiène et d’embellissement des lieux de travail, sont en accord avec la convention ratifiée. D’ailleurs, la RDC est membre permanent et siège, au mois d’avril, sur la question d’hygiène et de sécurité. C’est la raison pour laquelle l’article 13 de l’arrêté susmentionné impose à tout employeur de soumettre un rapport annuel avant le 31 mars, afin que l’IGT puisse compiler et élaborer un rapport général qui sera présenté par tous les membres lors de ses assises.
Je vous remercie de votre compréhension.
Cordialement.