Par son arrêt n° 190/2020 du 28 mai 2020, la Cour commune de justice et d’arbitrage – CCJA – introduit une inflexion notable dans sa jurisprudence en matière d’immunité d’exécution applicable aux entreprises publiques. Elle consacre une nouvelle exception fondée sur la nature juridique des sociétés à participation publique majoritaire, dès lors qu’elles sont constituées sous une forme commerciale.
Un nouvel éclairage sur l’immunité d’exécution des entreprises publiques
Dans cette décision, la CCJA confirme l’arrêt n° 419 rendu le 9 avril 2019 par la Cour d’appel d’Abidjan. Cette dernière avait jugé que la Société des Transports Abidjanais – SOTRA -, bien que majoritairement détenue par l’État, ne saurait se prévaloir de l’immunité d’exécution. En effet, sa constitution sous la forme d’une société anonyme – donc d’une personne morale de droit privé – la rend pleinement justiciable de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
La Haute Juridiction précise que la présence de capitaux publics dans le capital social d’une telle société ou l’intervention d’une personne morale de droit public dans sa gouvernance est, en cette matière, sans incidence.
Contexte factuel de l’affaire
À l’origine du litige, la Nouvelle Société Nationale de Restauration (Nouvelle SONAREST) avait, en date du 2 juillet 2018, pratiqué une saisie conservatoire de créances entre les mains de l’État de Côte d’Ivoire, en vue du recouvrement d’une dette détenue sur la SOTRA.
Cette dernière contestait la mesure par exploit du 13 août 2018 devant le juge de l’exécution du Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau, qui a déclaré l’action irrecevable. Sur appel, la Cour d’appel d’Abidjan confirmait cette décision en déboutant la SOTRA de ses prétentions.
Saisie à son tour, la CCJA rejette le pourvoi de la SOTRA, qui invoquait l’article 30 de l’Acte uniforme précité pour faire valoir son immunité d’exécution. L’entreprise estimait que la juridiction d’appel avait insuffisamment motivé sa décision en occultant sa qualité de société à participation publique majoritaire.
Une clarification sur la portée du droit OHADA
Pour motiver sa décision, la CCJA s’appuie sur la nature juridique de la SOTRA, précisant que, bien qu’elle soit à capitaux majoritairement publics, elle demeure soumise aux règles applicables aux sociétés commerciales de droit privé prévues par l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.
Dès lors, ses biens sont saisissables dans le cadre des procédures de recouvrement, au même titre que ceux de toute autre société commerciale.
Une rupture avec la jurisprudence antérieure
Cette décision marque un revirement par rapport à la jurisprudence antérieure, notamment les arrêts n° 043/2016 et 044/2016 du 18 mars 2016 ainsi que l’arrêt n° 103/2018 du 26 avril 2018, qui reconnaissaient l’immunité d’exécution à certaines entreprises publiques du fait de leur nature ou de la mission de service public qui leur était confiée.
Désormais, la seule détention majoritaire par l’État ou une entité publique ne suffit plus à conférer une protection contre les voies d’exécution, dès lors que la société concernée a opté pour une forme juridique de droit privé.
L’arrêt n° 190/2020 introduit une lecture renouvelée du régime d’immunité d’exécution au sein de l’espace OHADA. Il pose le principe selon lequel les entreprises publiques, même à participation publique exclusive, perdent le bénéfice de cette immunité dès lors qu’elles relèvent du droit des sociétés commerciales.
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LégalRDC
Par Maitre Trésor Ilunga Tshibamba
Bien dit cher Trésor
Je salue cette jurisprudence qui va dissiper tout douter ou flou sur l’interprétation de l’article 30 de l’AUPSRVE