Gros plan sur le métier du négociant au regard du droit minier congolais
Par Carlos Pimant, Avocat
Détenir, transporter et commercialiser les produits issus de l’exploitation minière artisanale en République Démocratique du Congo (RDC) représente une tâche particulièrement délicate.
Les minerais congolais ont depuis belle lurette, servis des ressources stratégiques des groupes armés et d’autres torpilleurs pour semer la terreur aux familles congolaises ce, intervenant dans le cadre de la chaîne d’approvisionnement des minerais, objet de convoitises, le métier du négociant appelle à une illumination des droits et devoirs s’y rapportant.
La présente approche scientifique, place le curseur sur le profil du négociant, un net moyen de la lutte contre le commerce illicite et surtout une note incitative lancée à tout opérateur qui tient à se faire des dividendes grâce aux produits miniers traçables et sans conflits sur le marché international.
Pour ce faire, qu’est-ce qu’il faut retenir sur le métier du négociant ?
Mieux accéder à cette problématique, équivaudrait à donner la définition du terme négociant au premier chapitre et évoquer ses droits et devoirs dans le second pour enfin, atterrir par une conclusion à toutes fins utiles.
I. Qu’appelle-t-on négociant ?
La loi n° 007/2002 du 11 Juillet 2002 portant Code Minier telle que modifiée et complétée par la loi n° 18/001 du 09 Mars 20218, définie en son article 1 alinéa 33, le négociant comme toute personne physique majeure de nationalité congolaise détentrice d’une carte de négociant délivrée conformément aux dispositions du présent code.
Concrètement, un négociant est un professionnel dont l’activité consiste à acheter et vendre des minerais issus de l’exploitation artisanale.
L’exploitation artisanale, pour sa part, désigne l’extraction des substances minérales à l’aide de méthodes non industrielles, dans une zone spécifiquement dédiée à cette pratique, appelée zone d’exploitation artisanale (ZEA).
D’une manière schématisée, l’exploitation minière artisanale congolaise est animée par trois principaux acteurs : les creuseurs artisanaux (1) qualifiés des mineurs, ces sont eux qui extraient les substances minérales dans les tunnels ou des lits des rivières et sont regroupés en coopératives minières. Les substances minérales, issus du creusage, du concassage et du lavage, sont vendus aux négociants (2), ceux-ci à leur tour, après avoir accumulé une quantité importante, peuvent revendre aux comptoirs agréés (3) pour une exportation éventuelle ou une consommation locale.
En d’autres termes, l’exploitation artisanale des mines et carrières passe avant tout par l’extraction des minerais. C’est à la suite de celle-ci que les exploitants artisanaux se présentent devant les négociants pour les leurs vendre. Après avoir acheté les minerais, le plus souvent, des sites miniers ou de carrières, les négociants les transportent dans les villes comptant un meilleur réseau d’exportateurs, en l’occurrence les comptoirs agréés d’achat, pour les leur vendre et qui, par la suite, se chargeront de leur exportation.
En réalité, les négociants font partie des acteurs majeurs de l’artisanat minier. Ils jouent un rôle important pour les coopératives minières ou des produits de carrières agréées, en ce sens qu’ils interviennent très souvent dans le financement des activités de ces dernières et sont les acheteurs traditionnels des minerais extraits directement des mines ou des carrières, avant leur traitement ou transformation (CIM’S MULUNGULUNGU NACHINDA, droit minier congolais, de la théorie à la pratique, Tome 1-Exploitation artisanale des substances minérales, page 155).
En tout état de cause, le négociant est un véritable professionnel, un intermédiaire entre la mine voire, les creuseurs artisanaux et les comptoirs agrées, dont les droits et obligations seront déballés au second point.
II. Droits et devoirs du négociant
II.1. Droits du négociant
Nous appuyant sur l’esprit des dispositions légales encadrant le métier du négociant, les creuseurs artisanaux ne peuvent contacter directement les comptoirs pour vendre les produits de leurs mines. Seul le négociant, passerelle légale jouit de ce privilège (article 4 de l’Arrêté Ministériel n° 21CAB/MINES-HYDRO/2001 du 04 Mai 2001 portant règlementation de l’exploitation artisanale et de la commercialisation des pierres précieuses et semi précieuses).
Et généralement, c’est le négociant qui fixe le prix de la transaction et bénéficie d’une marge intéressante entre l’achat auprès des coopératives minières et la revente aux tenanciers des comptoirs.
C’est le négociant qui est le plus souvent la personne qui préfinance. À vrai dire, ce dernier joue un rôle crucial non seulement dans la chaîne d’approvisionnement, mais aussi pour les activités des exploitants artisanaux, voire les communautés (USAID, 2015, p.18).
II.2. Obligations du négociant
La définition nous fournit par le législateur du terme négociant, laisse transparaître, trois principales obligations liées à cette profession : l’obligation de détenir une carte de négociant (1) et son champ d’action, qui est la zone d’exploitation artisanale (2) et enfin, le devoir de faire les points au service des mines du ressort (3).
Pour ce qui est de la carte, elle vaut visa, elle confère la qualité. L’on ne peut se réclamer négociant comme tel, si on n’est détenteur de la carte. Elle a une durée d’un an et renouvelable pour la même durée et sans limitation.
Selon l’article 117 du nouveau Code minier, c’est cette carte qui autorise le négociant à acheter l’or, diamant ou toute autre substance minérale.
Pour obtenir la carte de négociant, il faut réunir les conditions cumulatives suivantes : avoir la nationalité congolaise, être commerçant et le prouver par la présentation d’un RCCM, le paiement des droits dus à la division provinciale des mines et l’engagement écrit de n’acheter des produits miniers que dans la ZEA sollicitée.
La demande de carte est adressée au ministre provincial des mines mais, déposée à la division provinciale des mines. Un avis est rendu par cette dernière qui le transmet au ministre provincial des mines. Ce dernier dispose d’un délai de quinze jours pour prendre sa décision de délivrance ou de refus de la carte (art. 243 à 249 du Règlement minier).
Il sied de noter, que l’obtention de la carte a pour corolaire, l’obligation de ne vendre qu’aux comptoirs agréés ou aux organismes agréés ou créés par l’État ainsi qu’aux marchés boursiers agréés par l’État les produits de l’exploitation artisanale qu’il achète. Il doit également fournir les rapports de son activité conformément` à la règlementation en la matière (art. 118 du Code minier).
Par ailleurs, le négociant ne peut prester que dans une zone exploitation artisanale bien définie. Celle-ci, selon l’article 1 alinéa 56, est une aire géographique délimitée en surface et en profondeur par le ministre.
Une zone d’exploitation artisanale est instituée lorsque les facteurs techniques et économiques qui caractérisent certains gîtes des substances minérales classées en mines ou carrières ne permettent pas d’en assurer une exploitation industrielle ou semi-industrielle, mais permettent une exploitation artisanale, de tels gîtes sont érigés, dans les limites d’une aire géographique couvrant maximum deux carrés, en ZEA.
Sous peines de sanctions à l’issue des poursuites judiciaires pour défaut de paiement d’amendes à hauteur de 1/3 de la taxe rémunératoire non remboursable, le négociant est tenu de fournir au service des mines du ressort, les statistiques mensuelles de vente de son produit, appuyées des copies des factures sanctionnant ces opérations.
En conclusion, Le métier de négociant minier en RDC est au cœur du secteur de l’exploitation artisanale des ressources minérales. En tant que passerelle entre les creuseurs et les comptoirs, le négociant joue un rôle essentiel dans la régulation du commerce des minerais et la lutte contre les pratiques illégales.
Toutefois, pour que cette profession atteigne pleinement son potentiel, il est nécessaire de renforcer le cadre légal et d’encourager une plus grande transparence dans les transactions.
Une meilleure structuration de ce métier, associée à un contrôle rigoureux des activités des négociants, pourrait non seulement favoriser la commercialisation légale des minerais, mais aussi contribuer au développement économique de la RDC tout en limitant le commerce illicite des ressources minérales.
Ainsi, le métier de négociant, bien encadré et transparent, pourrait devenir un levier important pour la croissance économique du pays, tout en garantissant que les ressources naturelles de la RDC profitent aux populations locales et à l’économie nationale dans son ensemble.