Par Carlos PIMANT
Avocat
La loi n° 14/011 du 17 juin 2014 encadrant le secteur de l’électricité en RDC apparaît vraisemblablement comme un bris d’ère, elle initie opportunément la libéralisation du secteur de l’électricité en mettant une croix sur le monopole, jadis détenu par la Société Nationale de l’électricité.
La portée légistique à attribuer au concept libéralisation du secteur de l’électricité en RDC, n’est rien d’autre que, l’ouverture dudit marché à la concurrence, belle aubaine pour tout opérateur ou investisseur sérieux qui désire se faire des dividendes dans le secteur et contribuer au développement communautaire.
La RDC recèle un potentiel énergétique fascinant et économiquement séduisant, elle traine à elle seule, 13% du potentiel hydroélectrique mondial, soit 100 000 MW ce, une forte demande en besoin énergétique est exprimée par ceux du secteur industriel, consommateur d’électricité de premier ordre, avec une consommation atteignant jusqu’à 7 333 948 MWH, gage d’un marché propice aux investissements dans le secteur.
Comment s’y prendre alors ?
Investir dans le secteur de l’électricité en RDC appelle à l’intellection des conditions d’éligibilité comme opérateur dans le secteur (1), aux régimes juridiques applicables dans le secteur (2), à la procédure d’octroi des titres (3), à la problématique de l’achat d’énergie par l’entreprise minière voire, les conditions d’exploitation d’une centrale hydroélectrique pour ses besoins propres (4) et les contours fiscaux liés au secteur (5).
1. Les conditions d’éligibilité comme opérateur dans le secteur
Il est utile de souligner au préalable, par une lecture combinée des articles 2 du décret numéro 18/052 du 24 Décembre 2018 et 3 de la loi du 17 Juin 2014, l’on attend par opérateur dans le secteur de l’électricité, toute personne physique ou morale de droit public ou de droit privé exerçant les activités soit de production, de transport, de distribution, d’importation, d’exportation et de commercialisation de l’énergie électrique.
À l’étai du dernier alinéa de l’article 2 du décret numéro 18/052 du 24 Décembre 2018 fixant les modalités de sélection des opérateurs, d’attribution, de modification et d’annulation des concessions, des licences, et des autorisations dans le secteur de l’électricité, ces différentes activités sont subordonnées impérativement à l’obtention d’une concession, d’une licence ou d’une autorisation à requérir selon le cas, soit auprès du Ministre de l’énergie et ressources hydrauliques, soit auprès du Gouverneur de Province en plein égard à la loi relative à l’électricité sus allusionnée et du décret du 24 Décembre 2018.
En référence à l’article 10.b du décret du 24 décembre 2018, l’exercice d’une des activités dans le secteur de l’électricité est strictement réservée aux sociétés des droits congolais, ce qui revient à dire, seules les personnes physiques ou morales de droit congolais, avec résidence ou adresse connue sont éligibles au titre d’opérateur dans le secteur de l’électricité, sous réserves d’autres conditions cumulatives renseignées dans le décret ci-haut indexé.
En d’autres termes, conformément à l’esprit de l’article énoncé au précèdent paragraphe, les sociétés étrangères, c’est-à-dire, celles qui sont créées et régies par un droit autre que le droit congolais, sont inéligibles comme opérateur dans le secteur de l’électricité et ne peuvent par conséquent, exprimer la volonté d’investir dans le domaine car n’ayant guère le profil attendu.
2. Régimes juridiques applicables dans le secteur
La loi du 17 Juin 2014, telle que modifiée et complétée par celle numéro 18/031 relative au secteur de l’électricité, dans son article 35, conditionne l’exercice d’une des activités du secteur suivant cinq régimes juridiques, qui sont exhaustivement :
- La concession ;
- La licence ;
- L’autorisation ;
- La déclaration ;
- Et la liberté ;
En commentaire au premier régime juridique, il faut entendre par concession, un contrat conclu entre l’État congolais et un opérateur permettant à celui-ci d’exploiter le domaine public dans les limites territoriales précises, en vue d’assurer le service public de l’électricité sur la base d’un cahier des charges alors que la licence est un acte juridique délivré par l’autorité compétente à un opérateur lui permettant d’exercer une activité précise dans le secteur de l’électricité et la même appréhension est similaire au concept d’autorisation.
Par ailleurs, la déclaration est une formalité administrative accomplie auprès de l’autorité compétente en vue d’exercer certaines activités prévues dans le cadre de la loi relative à l’électricité.
En règle générale, les concessions et les licences sont accordées obligatoirement sur la base d’un appel d’offres, après les avoir obtenues, elles peuvent faire objet de cession ou de transmission.
La concession est octroyée soit, par le gouvernement central, soit par la province selon l’article 47 de la loi du 17 Juin 2014 relative à l’électricité . Pour le premier cas, il est requis dans le cas de l’exploitation ou l’usage de l’énergie concernant plus d’une province où est destinée l’exportation ou l’importation et pour le second, quand l’exploitation répond singulièrement au besoin d’une seule province pour une durée ne pouvant excéder trente ans au regard de l’alinéa 2, de l’article 52 de la loi relative à l’électricité du 17 Juin 2014
En revanche, et à l’étai de l’article 66 de la loi sur l’électricité pré rappelée, en cas de commercialisation de l’énergie électrique, de l’importation et l’exportation de l’énergie électrique ou de la production indépendante de l’énergie électrique de puissance égale ou supérieure à 1.000kW réalisée en dehors du domaine public, le régime juridique qui vaut est la licence.
Par ricochet, le domaine public est entendu selon l’article 10 de la loi du 20 juillet 1973, qualifiée de la loi foncière, l’ensemble des biens qui sont affectés à un usage public ou à un service public et qui ne sont hors commerce tant qu’ils ne sont pas régulièrement désaffectés.
L’autorisation elle, est requise pour les installations d’autoproduction en dehors du domaine public d’une puissance comprise entre 100kW et 999,99kW et pour les établissement des lignes électriques privées utilisant ou traversant une voie publique ou un point situé à moins de dix mètres de distance horizontale d’une ligne électrique, de communication ou de télécommunication existant sur le domaine public.
L’autorisation n’est donnée que par l’autorité provinciale ou par l’entité territoriale décentralisée.
Mais lorsque la puissance à installer par un auto producteur, en dehors du domaine public, est comprise entre 51 et 99 kW, celui-ci est tenu de faire une déclaration écrite auprès de l’administration locale en charge de l’électricité qui en accuse réception et les installations régies par le régime de liberté sont requises en cas d’installation des centrales dont la puissance est inférieure ou égale à 50kW ainsi que les lignes électriques privées est libre lorsque les ouvrages sont entièrement implantés sur une concession foncière privée à condition qu’aucune voie publique ne soit utilisée ou traversée par ces lignes et les conducteurs ne soient en aucun point situés à moins de dix mètres de distance. Horizontale d’une ligne électrique, de communication ou de télécommunication existant sur le domaine public.
3. La procédure d’octroi des titres
La procédure d’octroi des titres est encadrée par le décret n° 18-052 du 24 décembre 2018 et met en avant plan, l’Autorité de Régulation du secteur de l’Électricité, ARE en sigle, qui au préalable analyse les dossiers d’octroi des concessions, des licences et des autorisations et les soumet à l’autorité étatique nationale ou provinciale selon le cas.
Au regard de l’article 11 du décret sus allusionné, la demande peut être initiée, soit par l’autorité étatique compétente, soit par l’opérateur, l’investisseur ou le développeur public ou privé. Et la demande dont question, devrait être accompagnée par le dossier administratif, financier et technique du demandeur.
a. Pour ce qui est du permis pour les concessions, la procédure commence par :
- Le dépôt de la lettre de soumission ou de souscription aux différents éléments du dossier d’appel d’offres public de l’État ou dépôt de la demande telle que décrite à l’article 10 du décret sous examen ;
- Examen de la conformité, de la recevabilité et du contenu au dépôt du dossier ;
- Dans le cas de concessions et des licences astreintes aux appels d’offres, publication, par tous moyens appropriés, du fait qu’il est envisagé d’accorder un permis à un opérateur, avec délai d’attente de tout tiers pouvant être entendu ;
- Examen du dossier par l’ARE dans le 30 jours de la réception de la demande pour soumettre ledit dossier à la décision de l’autorité compétente, avec avis conforme et notification au demandeur ;
- Décision de l’autorité compétente dans les 30 jours à dater de la réception du dossier par ses services sur pied de vérification du dossier par l’administration du Ministère des ressources hydrauliques, soit par le cabinet du ministre provincial ayant l’électricité dans ses attributions
- Paiement des droits et taxes inhérents à l’octroi du permis d’opérer sollicité.
Néanmoins, pour les demandes d’initiatives privée volontaire des opérateurs ou investisseurs privés, l’on débute par :
- Manifestation d’intérêt de l’investisseur intéressé ;
- Publication de l’avis à manifestation d’intérêt, dans le cas d’un projet du domaine public ;
- Dépôt et analyse de la proposition du promoteur ou des soumissions enregistrées ;
- Notification du promoteur sélectionné
- Signature d’un protocole d’accord avec le promoteur pour l’élaboration des études ;
- Validations des études, schémas et plans ;
- Et enfin, l’octroi du permis
NB : pour ce qui de mode de sélection, c’est la procédure d’appels d’offre qui est en est le principe, la possibilité d’un gré à gré intervient comme exception lorsque les marchés ne peuvent être confiés qu’à un opérateur pour des raisons techniques ou impératives de développement du potentiel de production, de transport ou de distribution de l’électricité pour un projet donné, précise l’article 18 du décret n° 18-052 du 24 décembre 2018
b. Pour ce qui est de la procédure pour les autorisations, elle débute par :
- Délivrance d’un récépissé de dépôt de la demande par l’ARE, après vérifications de la recevabilité du dossier ;
- Transmission de l’avis motivé et du dossier à l’autorité compétente nationale ou provinciale dans les trente jours à dater de la réception du dossier ;
- Décision de l’autorité compétente dans les trente jours ouvrables, à dater de la réception du dossier et de l’avis de l’ARE ;
4. De l’achat d’énergie par l’entreprise minière voire, les conditions d’exploitation d’une centrale hydroélectrique pour ses besoins propres
À l’entame de cette problématique, il est indispensable de noter que la vente de l’énergie à une autre entité, est l’effectivité voire, la conséquence directe du principe de la libéralisation du secteur de l’électricité.
Le déficit énergétique dans le secteur extractif accentué notamment, avec l’obligation imposée par l’article 342 bis de la Loi n° 18/001 du 09 mars 2018 modifiant et complétant la Loi n°007/2002 du 11 juillet portant Code minier, celle du traitement et de la transformation des substances minérales en RDC, les opérateurs miniers sont donc, des cibles et des acheteurs de choix au regard de leurs consommations considérables d’énergie variant en fonction des minerais, du processus et des opérations de transformation ou d’enrichissement appliqué.
Les entreprises minières congolaises peuvent donc, acheter de l’énergie auprès des opérateurs qui en produisent, commercialisent, vendent l’excèdent d’énergie, ou carrément à la suite d’une importation d’énergie.
L’effectivité de cette opération se solde par la signature d’un contrat d’achat d’énergie entre la société minière acquéreuse et l’opérateur du secteur de l’électricité sous l’œil vigilant des entités étatiques notamment, l’Autorité de Régulation de l’Électricité, ARE en sigle qui l’approuve et veille au respect des règles de la concurrence et de transparence, sur base d’un prix librement négocié et les modalités de fourniture de l’électricité ayant fait objet de vente.
En revanche, C’est par une note affirmative que nous accédons à cette problématique en ce qu’une entreprise minière peut faire ériger une centrale hydroélectrique pour ses besoins énergétiques propres. Cet avis est soutenu par les articles 283 pour ce qui est de la loi du 11 Juillet 2002 et 64 bis de Loi n° 18/001 du 09 Mars 2018 portant Code minier, conférant au détenteur du titre minier le droit d’utiliser l’eau souterraine, l’eau des cours non navigables, non flottables notamment, pour établir, dans le cadre d’une concession une chute d’eau, une centrale hydroélectrique destinée à satisfaire les besoins énergétiques de la mine.
Par ailleurs, le principe de l’exclusivité de l’objet social des entreprises minières dédiées aux activités minières tel que posé par l’article 23 de la Loi du 09 Mars 2018 constitue le plus grand frein à la matérialisation du bénéfice des articles évoqués au précèdent paragraphe puisqu’il faut en outre, revêtir la qualité de fournisseur d’énergie, laquelle est incompatible aux sociétés minières.
Et pour y remédier, les opérateurs miniers peuvent mettre sur pied un montage juridique en initiant la création d’une nouvelle structure, laquelle aura un objet social dédié aux activités d’électricité, et possèdera un permis au titre d’opérateur dans le secteur de l’électricité.
La structure nouvellement créée existera sous forme de filiale ou de succursale de la société minière pour ainsi permettre à celle-ci de profiter de son investissement contre une production énergétique pour ses besoins propres.
5. Les contours fiscaux liés au secteur
Il est de principe que les opérateurs du secteur de l’électricité soient soumis aux mêmes régime fiscal, douanier et social en vigueur en RDC.
Cependant, depuis la promulgation du décret n° 18/054 du 27 décembre 2018 portant mesures d’allègements fiscaux et douaniers applicables à la production, à l’importation et à l’exportation de l’énergie électrique, précisément en ses articles 2, 3 et suivant et de l’article 2 de l’Arrêté Ministériel du 12 novembre 2016, les opérateurs du secteur bénéficie de certains avantages d’ordre fiscal et douanier tels que :
- L’énergie électrique bénéficie de la suspension de la perception des droits de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée à l’importation ;
- L’énergie électrique est soumise au paiement des droits de douane de 1% à l’exportation ;
- Les biens d’équipements, matériels, outillages et pièces détachées, importées et destinés exclusivement à la production de l’énergie électrique bénéficient de la suspension de la perception des droits de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée ;
Le bénéfice des avantages ci-haut évoqués sont subordonnés à l’approbation, par le ministre des finances, de la liste des biens à importer, après avis du Ministre ayant l’énergie dans ses attributions, lorsque lesdits bien sont importés par le titulaire des droits miniers ce, ces avantages douaniers et fiscaux sont pour une durée de quatre ans.
En conclusion, avec la libéralisation du secteur de l’électricité, les opérateurs ont la latitude d’investir pour leurs propres besoins en énergie et peuvent conséquemment faire de profits en vendant leurs excèdent d’énergie aux autres, et le tout en se conformant aux prescrits légaux, et bénéficier de l’accompagnement des structures étatiques, établies à ces fins