En règle générale, la nullité est la sanction encourue par un acte juridique (contrat, acte de procédure, jugement) entaché d’un vice de forme (inobservation d’une formalité requise) ou d’une irrégularité de fond, qui consiste dans l’anéantissement de l’acte[1].
La sanction de nullité est prononcée soit que la cause de la nullité réside dans l’absence de l’utilisation d’une forme précise qui est légalement imposée, soit qu’elle résulte de l’absence d’un élément indispensable à son efficacité.
Il ressort de la lecture simpliste de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, – AUPSRVE
– , que la nullité de certains actes de procédure est expressément prévue. Cela donne parfois l’impression que l’inefficacité ou mieux l’imperfection de l’acte de procédure qui encourt nullité doit être prononcée systématiquement dès lors que la formalité requise n’a pas été respectée sans pourtant rechercher le grief ou l’intérêt de la formalité.
Cependant, il découle de l’arrêt n° 001/2018 du 11 janvier 2018 rendu par la Cour commune de justice et d’arbitrage, – CCJA -, s’agissant du contenu d’une requête portant injonction de payer, que conformément aux dispositions de l’ article 4-2 AUPSRVE, l’obligation d’indiquer, en plus de la somme réclamée, le décompte des différents éléments de la créance, ne s’effectue que lorsque ladite créance comporte, en plus de la somme due en principal, d’autres sommes au titre des intérêts, agios, commissions ou autres frais accessoires.
Il sied de retenir que cet article 4-2 AUPSRVE, qui énumère les mentions que devrait contenir une requête tendant à l’ordonnance portant injonction de payer, indique des mentions prescrites à peine d’irrecevabilité de ladite requête auprès de la juridiction compétente.
Le contexte de l’arrêt n° 001/2018 rendu le 11 janvier 2018
Par un pourvoi introduit le 10 février 2015, la société Cleo Patra avait saisi la CCJA, d’un recours en cassation contre un arrêt de la Cour d’appel d’Abidjan dans une affaire l’opposant à la Compagnie Ivoirienne de Promotion pour l’Exportation et l’Importation, – CIPEXI -.
En effet, c’est 18 juin 2012 que le Président du tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau avait pris une ordonnance d’injonction de payer enjoignant à la société CIPEXI de payer à la société Cleo Patra, la somme de 18 973 721 FCFA. Cette ordonnance a donné lieu à l’opposition de la société CIPEXI qui fut déchue de son droit d’opposition par le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau. Sur appel de la société CIPEXI, la Cour d’appel d’Abidjan infirma le jugement de déchéance et déclara la requête aux fins d’injonction de payer de la société Cleo Patra irrecevable car, elle n’indiquait pas, au vœu de l’ article 4-2 AUPSRVE, le décompte des différents éléments de la créance.
Dans son moyen unique de cassation, la société Cleo Patra reprochait à l’arrêt de la Cour d’appel la mauvaise interprétation ou la mauvaise application de l’ article 4-2 AUPSRVE, puisqu’elle ne réclamait que le principal de sa créance et qu’ainsi il n’y avait pas d’autres éléments de la créance à préciser.
Le fondement de l’arrêt n° 001/2018
La CCJA a décidé que dès lors que le requérant ne poursuit que le recouvrement de sa créance principale, on ne peut lui reprocher de ne pas avoir fait le décompte des autres éléments de ladite créance qu’il ne revendique pas.
Cette position de la Cour ressortie dans cet arrêt vient révolutionner sa position autrefois émis dans l’Avis n° 001/99/JN le 7 juillet 1999. Selon les termes de cet avis : « L’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution prévoit expressément la nullité pour sanctionner l’inobservation de certaines formalités ; toutefois, pour certaines formalités de certains actes, limitativement énumérés[ il s’agit des formalités prévues par les articles 259 , 266 , 268 , 270 , 276 , 281 , 288 alinéas 7 et 8 , 289 , 254 , 267 , et 277 de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, toutes relatives à la saisie immobilière], la nullité ne peut être prononcée que si l’irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l’invoque. Hormis ces cas limitativement énumérés, le juge doit prononcer la nullité invoquée s’il constate que la formalité prescrite à peine de nullité n’a pas été observée, sans qu’il soit besoin de rechercher la preuve d’un quelconque préjudice. »
L’analyse de l’arrêt n° 001/2018 nous amène à conclure que l’on est dans un régime « pas de nullité sans grief », c’est-à-dire pour prononcer la sanction de nullité pour vice de forme, celui qui l’invoque doit prouver que l’irrégularité lui a causé un grief l’empêchant d’assurer convenablement sa défense.
Si cette assertion ne serait pas vrai, l’on doit pouvoir croire que les nullités textuelles du législateur Ohada obéissent à un double régime : les nullités de plein droit ou absolue en l’absence de tout grief comme principe, et les nullités relatives subordonnées à la preuve d’un préjudice comme exception pour des formalités bien énumérées.
Cependant, dans la mise en œuvre de ce régime de nullité et notamment s’agissant des nullités de plein droit qui s’imposent au juge, la CCJA n’a pas toujours observé la même sévérité quant au caractère automatique de la nullité, violant par la même occasion les dispositions de l’ article 28 bis du Règlement de procédure [comme dans le cas d’espèce], discriminant alors dans certaines espèces en fonction de la nature de l’irrégularité ou des conséquences à l’endroit de celui qui l’excipe[2] [Voy. CCJA : arrêt n° 020/2018 du 25 janvier 2018].
Consulter l’arrêt n° 001/2018 du 11 janvier 2018
[1] G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF, 9e éd., Paris, 2011
[2] Félix Onana Etoundi, Le régime juridique des nullités des actes de procédure dans l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, in Institut international de Droit d’Expression et d’inspiration Françaises, http://www.institut-idef.org/Le-regime-juridique-des-nullites.html, consulté le 25 septembre 2019
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