La République démocratique du Congo – RDC – est un pays à diverses potentialités. Cependant, l’incidence de la pauvreté dans le pays reste élevée. Dans le même temps, la situation nutritionnelle est critique. Le retard de croissance ou malnutrition chronique, touche 43% d’enfants de moins de cinq ans. L’insuffisance pondérale quant à elle, touche un enfant sur quatre, soit 24%. En terme de chiffre absolu, ces prévalences se traduisent par plus d’un million d’enfants affectés par la malnutrition aiguë qu’il faut prendre en charge et par plus de six millions d’enfants congolais souffrant d’un retard de croissance[1].
Dans ce contexte, l’État est appelé à prendre des mesures incitatives non seulement pour sauver des vies mais aussi lui permettre d’avoir les ressources à couvrir les charges publiques. La fiscalité est un des facteurs de développement pouvant drainer les investissements dans le pays qui entend diversifier son économie longtemps focalisée aux ressources minières.
La promulgation de la Loi n° 11/022 portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture du 24 décembre 2011 , prévoyant une fiscalité particulière aux exploitations agricoles est une des réponses à ce vœu de diversification de l’économie nationale. D’où l’intérêt de la présente étude qui analyse le régime fiscal applicable aux exploitations agricoles en RDC.
Bon à savoir : Le système fiscal est défini comme l’ensemble des impôts appliqués à un moment donné dans un pays déterminé[2]. Dans le cas d’espèce, par système fiscal agricole, il faut attendre tous les impôts applicables aux exploitations agricoles. Ce système découle particulièrement de la loi portant principes fondamentaux sur l’agriculture du 24 décembre 2011 et généralement des ordonnances-lois relatives aux impôts sur les revenus de 1969.
Il ressort de cette loi que le régime particulier aux activités agricoles est constitué de deux catégories d’impôts à savoir :
- Les impôts réels (I) ;
- L’impôt cédulaire (II).
I. Des impôts réels[3]
Les impôts réels sont ceux qui frappent les biens du contribuable sans tenir compte de sa capacité contributive[4].
Cette catégorie d’impôts regroupe trois impôts ci-après : l’impôt foncier (I.1.), l’impôt sur le véhicule (I.2.) et l’impôt sur la superficie de concession minière. Il faut dire tout de suite que ce dernier impôt, qui frappe exclusivement les activités minières, ne sera pas abordé dans cette brève analyse.
I.1. L’impôt foncier
Cet impôt est assis sur les superficies bâties ou non bâties affectées exclusivement à l’exploitation agricole.
Par la volonté du législateur, l’exploitant agricole ou toute autre personne titulaire de droit de propriété ou ayant les droits réels (droit de possession, de concession, d’usufruit etc…) sur les superficies bâties ou non bâties affectées à l’exploitation agricole est exempté de l’impôt foncier.
Ainsi, l’affectation de principe des superficies à l’usage agricole sans exploitation effective, ne suffit pas à entrainer l’exemption.
Bon à savoir : l’ article 3 de l’O-L n° 69-006 du 10 février 1969 relative à l’impôt réel avait déjà consenti l’exonération de cet impôt au profit des exploitants agricoles. Cependant, la Loi n° 11/022 portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture du 24 décembre 2011 , en son article 74 prévoit une exemption plutôt que une exonération. La difficulté réside dans une autre législation fiscale, notamment la loi n° 004/2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales selon laquelle, le redevable exonéré doit souscrire à une déclaration alors que l’exempté est dispensé de cette obligation. Dans ce cas, l’exploitant agricole se retrouve dans une équation quant à la souscription d’une déclaration de cet impôt tout en sachant que l’absence de déclaration entraine une taxation d’office de la part de l’administration fiscale.
I.2. Impôt sur le véhicule
Le terme véhicule désigne tout moyen de transport par terre et par eau et ce, quel que soit le mode de propulsion utilisée[5]. C’est le cas par exemple des automobiles, bateaux et autres embarcations à l’exclusion d’autres moyens de transport comme les avions[6].
Il est de la volonté du législateur que tout véhicule affecté exclusivement à l’exploitation agricole, dont l’exploitant agricole en a la propriété, est exempté de l’impôt sur le véhicule. L’impôt sur le véhicule dont question est constaté par un signe distinctif fiscal appelé vignette.
En revanche, tout véhicule n’étant pas affecté exclusivement à l’exploitation agricole n’est pas exempté de cet impôt.
II. L’impôt cédulaire sur le revenu[7]
Le revenu est considéré comme « la richesse nouvelle du contribuable que lui procure chaque année ses biens ou son travail »[8].
L’ Ordonnance-loi portant contributions cédulaires sur les revenus du 10 février 1969
telle que modifiée et complétée à ce jour organise trois impôts cédulaires sur les revenus[9] qui sont : l’impôt sur les revenus professionnels (II.1.), l’impôt sur les revenus mobiliers et l’impôt sur les revenus locatifs.
La Loi n° 11/022 portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture du 24 décembre 2011
prévoit un régime particulier pour les exploitants agricoles sans prendre en compte l’impôt sur les revenus mobiliers et l’impôt sur les revenus locatifs. Ceci indique que l’exploitant agricole est soumis à ces impôts selon leur régime propre. Leurs taux sont respectivement de 20 % et de 22 %.
II.1. L’impôt sur les revenus professionnels
Au regard de la loi, les bénéfices d’une entreprise […] agricole […] sont ceux qui proviennent de toutes les opérations traitées par [cet] établissement en République Démocratique du Congo ainsi que tous accroissements des avoirs investis en vue des susdites activités y compris les accroissements qui résultent de plus-values et moins-values soit réalisées, soit exprimées dans les comptes ou inventaires du redevable, quelles qu’en soient l’origine et la nature[10].
In specie, il s’agit des bénéfices et profits réalisés par l’exploitant agricole industriel et l’exploitant agricole de type familial. L’impôt professionnel est établi sur l’ensemble des revenus constatés ou présumés de l’année civile antérieure.
L’assujettissement ou pas à cet impôt est abordé par la loi suivant les modes d’exploitation des terres agricoles.
Ainsi, il ressort de la Loi n° 11/022 portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture du 24 décembre 2011
que l’exploitant agricole familial est exempté de cet impôt.
Le législateur a voulu que les bénéfices et profits réalisés par l’exploitant de type familial soient assujettis à l’impôt sur le revenu professionnel au taux de 20% contrairement au régime du droit commun dont le taux est de 35%[11].
En outre, les bénéfices et profits réalisés par l’exploitant agricole industriel sont assujettis à l’impôt sur le revenu professionnel conformément au droit commun. Le taux est fixé à 35 %.
III. CONCLUSION
Dans le souci de diversifier son économie en drainant les investissements dans le secteur agricole, le législateur a opté pour l’exemption totale à l’assujettissement à l’impôt réel. Pour ce qui est de l’impôt cédulaire, seul l’exploitant agricole familial est exempté de l’impôt sur le revenu professionnel alors que les exploitants de type familial et industriel sont assujettis respectivement au taux de 20 % et de 35 %.
Par Maître Junior Muzamba
Avocat à la Cour d’appel
[1] Source : Ministère de l’agriculture et du développement rural – Plan national d’investissement agricole (PNIA) 2014 – 2020, Septembre 2013
[2] GAUDEMET P.M. et MOLINER J., Finances Publiques, Fiscalité, Tome 2, 5è éd., Montchrestien, Paris, 1992, P.62 cité par BUABUA Wa KAYEMBE, Droit Fiscal Congolais, E.U .A, 2006, P. 60
[3] Loi portant principes fondamentaux sur l’agriculture, article 75, du 24 Décembre 2019
[4] E. CIBAMBA, Droit fiscal congolais – commentaire des textes de lois, Impôts réels et taxe spéciale de circulation routière, Vol. 1,JuriCongo, Kinshasa, 2010, p. 43
[5] Nguyen Chanh et Azama Lana, La fiscalité au Zaïre, Études des cas, Cadidec, Kinshasa, 1975, p. 161
[6] E. CIBAMBA, Op. cit., p. 60
[7] Loi portant principes fondamentaux sur l’agriculture, article 76, du 24 Décembre 2019
[8] COPPENS Pierre, Cours de Droit Fiscal, les Impôts sur les revenus, université de Louvain, Faculté de Droit, 1971, p. I.
[9] O-L n°69-009 du 10 février 1969 portant contributions cédulaires sur les revenus, art 1er
[10] Article 30 Ordonnance-loi n° 69/009 du 10 février 1969 portant contributions cédulaires sur les revenus telle modifiée et complétée à ce jour
[11] Article 83 Ordonnance-loi n° 69/009 du 10 février 1969 portant contributions cédulaires sur les revenus telle modifiée et complétée à ce jour