Dans sa requête déposée le 9 décembre 2019, Maitre Kabanangi Balela Cedric sollicitait auprès du juge des référés du Conseil d’État la suspension de deux décisions du Conseil national de l’Ordre des avocats – CNO -, notamment les décisions n° 27/CNO/RIC/13 du 3 octobre 2013 et 27bis/CNO/RIC/13 du 10 octobre 2013 modifiant et complétant l’ article 29 du Règlement Intérieur Cadre portant règlement des élections des Bâtonniers et membres du Conseil de l’Ordre des barreaux.
Le juge des référés du Conseil d’Etat a déclaré la demande de Maitre Kabanangi recevable et fondé et ordonné la suspension de ces deux décisions.
Le contexte de la cause
Le 23 juillet 2019, le Bâtonnier du Barreau de Kinshasa/Matete avait lancé un appel à candidature pour notamment l’élection d’un nouveau Bâtonnier. Maitre Kabanangi, demandeur en référé-suspension, avait alors déposé sa candidature pour lesdites fonctions le 25 juillet 2019. Mais le Conseil de l’ordre du Barreau de Kinshasa/Matete avait rejeté sa candidature au motif qu’il n’avait pas une ancienneté d’au moins 15 ans au Tableau de l’Ordre conformément à la décision n° 27 bis/CNO/RIC/13 du 10 octobre 2013.
Estimant cette décision contraire aux dispositions légales des articles 44 et 48 de l’Ordonnance-loi n° 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’État, Maitre Kabanangi a tout d’abord saisi le Conseil d’État en annulation des décisions susvisées sous le RA 251 puis sollicité la suspension desdites décisions par un référé-suspension conformément à l’ article 282 de la loi sur les juridictions de l’ordre administratif.
En effet, au regard desdites dispositions de l’Ordonnance-loi sur le Barreau, l’ancienneté pour postuler aux fonctions de bâtonnier est de 5 ans au moins.
Fondement de la suspension
Le juge des référés du Conseil d’Etat, dans son ordonnance ROR 097 du 08 janvier 2020, a dit recevable et fondé la requête de Maitre Kabanangi. Il a ainsi ordonné la suspension des décisions du CNO des avocats.
Il a relevé, au regard des dispositions de l’ article 282 de la loi sur les juridictions de l’ordre administratif, que pour qu’une demande de référé-suspension soit admise, il faut d’une part que la décision administrative fasse l’objet d’une requête en annulation, ce qui était le cas. Que l’acte contesté doit émaner d’une autorité administrative, in specie, il s’agit des décisions d’un organe national d’un ordre professionnel et enfin, il faut qu’il y ait urgence et un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaqué.
S’agissant notamment du doute sérieux de la légalité des décisions du CNO des avocats, le juge des référés a fait valoir le principe de parallélisme des formes.
Bon à savoir : Le parallélisme des formes est un principe juridique selon lequel un acte pris selon une certaine procédure ne peut être modifié ou abrogé qu’en suivant la même procédure. L’acte qui modifie ou abroge est dit « acte contraire ».
En effet, les décisions du CNO modifient l’ article 29 du Règlement Intérieur Cadre du Barreau – RIC-, or cet article 29 reprenait les termes de l’ article 48 de l’Ordonnance-loi n° 79-028 du 28 Septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’État.
Le RIC qui a été établi par application de cette Ordonnance-loi ne peut déroger à une disposition impérative de ladite ordonnance.
Dans le cas d’espèce, le principe de parallélisme des formes voudrait que l’ article 29 du RIC ne puisse être modifié que dans la mesure où l’ article 48 de l’ordonnance-loi sur le Barreau était amendé.
Ainsi, il existe une hiérarchie des règles à partir de laquelle le principe de la légalité trouve ses applications. L’acte individuel est donc subordonné au règlement qui est, lui aussi, subordonné à la loi : il ne peut lui être contraire. C’est une application du principe de la hiérarchie des normes.
La hiérarchie des normes est un classement hiérarchisé de l’ensemble des normes qui composent le système juridique d’un État de droit pour en garantir la cohérence et la rigueur. Elle est fondée sur le principe qu’une norme doit respecter celle du niveau supérieur et la mettre en œuvre en la détaillant. Dans un conflit de normes, elle permet de faire prévaloir la norme de niveau supérieur sur la norme qui lui est subordonnée. Cette hiérarchie ne prend tout son sens que si son respect est contrôlé par un juge.
Il s’agit du fondement même de l’État de droit.
Ce qui enerve dans cette histoire est que le Conseil de l’ordre était passé outre la décision du Conseil d’Etat