La procédure de référé-liberté constitue une voie de recours d’urgence permettant d’obtenir du juge administratif des mesures provisoires destinées à faire cesser une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés et droits fondamentaux garantis par la Constitution. Toutefois, cette procédure exceptionnelle ne peut prospérer qu’en présence d’une violation délibérée, évidente et actuelle de ces droits.
Tel est l’enseignement à tirer de l’Ordonnance ROR 014 rendue le 2 mai 2019 par le Conseil d’État, saisi par la société ERGOTECH Sarl dans le cadre d’un référé-liberté introduit contre l’État congolais.
Dans sa requête, la société demanderesse sollicitait du juge des référés qu’il ordonne à l’administration judiciaire – en particulier au greffier divisionnaire du Tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe – de ne pas donner suite à une lettre datée du 13 janvier 2019, émanant du Ministre d’État, Ministre de la Justice et Garde des Sceaux, laquelle visait à encadrer l’exécution d’une décision judiciaire.
ERGOTECH Sarl faisait valoir qu’elle est titulaire d’un contrat de concession foncière portant sur une parcelle située dans la commune de la Gombe, conclu le 15 avril 2004 avec la République. Elle soutenait que la jouissance paisible de ladite parcelle était gravement perturbée par l’intervention de tiers dans divers litiges judiciaires, notamment la succession BISENGIMANA RWEMA, la société CONGO TECHNICAL et Madame BUJA Antoinette.
Selon la demanderesse, le Ministre de la Justice serait intervenu hors de tout dispositif juridictionnel pour ordonner son déguerpissement et faciliter l’installation dans la parcelle litigieuse de personnes ne disposant d’aucun droit réel ou titre exécutoire. Une telle démarche aurait, selon elle, constitué une atteinte manifeste à son droit de propriété, protégé par l’article 34 de la Constitution.
Cependant, après analyse des pièces versées au dossier, le Conseil d’État a estimé que la lettre ministérielle en cause ne constituait ni une ingérence illégale dans l’exécution judiciaire, ni une violation caractérisée des libertés fondamentales. L’ordonnance précise que le ministre n’a fait que transmettre au greffier compétent des instructions visant à mettre en œuvre une décision rendue par la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe, sur base des rapports établis par les services du greffe, lesquels faisaient état de l’absence d’obstacle légal à l’exécution.
Dans ce contexte, le juge des référés a considéré qu’aucune atteinte délibérée aux droits fondamentaux de la société demanderesse n’était établie. Faute d’un trouble grave, immédiat et illégal justifiant une intervention en urgence, la requête en référé-liberté a été rejetée.
Cette décision réaffirme les conditions strictes de recevabilité du référé-liberté : il ne peut être accueilli que si le requérant démontre une atteinte grave, manifeste et volontaire à une liberté fondamentale, imputable à l’administration. Le juge veille ainsi à préserver l’équilibre entre la protection des droits individuels et le respect des décisions de justice, en s’interdisant d’interférer dans leur exécution régulière.