La place déguisée occupée par la Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo dans les ordres des juridictions judiciaires et administratives à l’issue de son arrêt du 22 juillet 2022, en inconstitutionnalité de l’arrêt REA 183 du 27 mai 2022 du Conseil d’État
Par Israël NGUNGU LEBO
Juriste et étudiant en master 1
Droit Public Approfondi de l’Université de Bretagne Occidentale en France
Depuis le 18 février 2006, la Constitution de la République démocratique du Congo consacre deux ordres des juridictions, à savoir : l’ordre des juridictions judiciaires et administratives (articles 153 et 154 Cst.). Le premier est chapeauté par la Cour de cassation et le second, par le Conseil d’Etat. En effet, chacun des ordres sus évoqués consacrés par la Constitution, est organisé par une loi-organique.
Par ailleurs, la Cour constitutionnelle est aussi consacrée par la même Constitution (article 157 Cst.) sans pour autant figurer dans l’un ou l’autre ordre, et aucune disposition consacre la supériorité de cette dernière sur les ordres juridictionnels prévus. En effet, aux termes des articles 160, 161, 162, 163 et suivants de Cst, le constituant énumère de manière limitative, les compétences de cette cour. Par exemple, selon l’article 160 alinéa 1 Cst.:« La Cour constitutionnelle est chargée du contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi »[1]. Cependant, la doctrine pense que la Cour constitutionnelle, est une juridiction judiciaire sans appartenir à l’ordre judiciaire, il s’agit d’une juridiction faisant partie de l’ordre sui generis[2].
Introduction
Aux termes de l’article 160 Cst. : « La Cour constitutionnelle est chargée du contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi. Les lois organiques, avant leur promulgation, et les Règlements Intérieurs des Chambres parlementaires et du Congrès, de la Commission électorale nationale indépendante ainsi que du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication, avant leur mise en application, doivent être soumis à la Cour constitutionnelle qui se prononce sur leur conformité à la Constitution. Aux mêmes fins d’examen de la constitutionnalité, les lois peuvent être déférées à la Cour constitutionnelle, avant leur promulgation, par le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat ou le dixième des députés ou des sénateurs. La Cour constitutionnelle statue dans le délai de trente jours. Toutefois, à la demande du Gouvernement, s’il y a urgence, ce délai est ramené à huit jours »[3]. En effet, de la lecture minutieuse et méthodique de cette disposition, la constitution fixe l’étendu ou les bornes des actes susceptibles de faire objet du contrôle de constitutionnalité tant par voie d’action que d’exception[4].
Selon l’article 161 Cst : « La Cour constitutionnelle connaît des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des Chambres parlementaires, des Gouverneurs de province et des Présidents des Assemblées provinciales. Elle juge du contentieux des élections présidentielles et législatives ainsi que du référendum. Elle connaît des conflits de compétences entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif ainsi qu’entre l’Etat et les provinces. Elle connaît des recours contre les arrêts rendus par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, uniquement en tant qu’ils se prononcent sur l’attribution du litige aux juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif. Ce recours n’est recevable que si un déclinatoire de juridiction a été soulevé par ou devant la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat. Les modalités et les effets des recours visés aux alinéas précédents sont déterminés par la loi »[5]. Littéralement, il ressort de cette disposition d’une part, la liste des institutions ou personnes pouvant saisir le juge constitutionnel en matière d’interprétation de la constitution, d’autres parts, le constituant révèle le rôle de la cour constitutionnelle comme un véritable juge[6] et comme un arbitre. En effet, il joue l’arbitre entre les matières relevant du domaine de la loi et règlementaire tant au niveau national que provincial (articles 122, 123 et 128 Cst) [7]. En sus, sur le conflit d’attribution, il n’intervient pas comme juge du contrôle de la constitutionnalité, ni comme juge d’appel, moins encore comme juge de cassation. Car, d’une part, au-dessus des juridictions coiffants les deux ordres, il n’y a aucune autre juridiction, et d’autre part, cette dernière ne se prononce ni sur la forme, ni sur le fond du litige, mais plutôt, il orient et détermine le juge compétent.
Par ailleurs, la Cour constitutionnelle saisie en inconstitutionnalité de l’arrêt sous REA 183 du 27 mai 2022 du Conseil d’État, elle a procédé à un revirement de sa jurisprudence en affirmant sa compétence en ces termes[8] : « le fait que cette compétence ne soit pas explicitement prévue par la Constitution ne laisse aucunement carte blanche aux juridictions de franchir le Rubicon de l’inconstitutionnalité. En effet, la Cour rappelle que dans sa tradition jurisprudentielle, elle a étendu sa compétence aux actes d’assemblée chaque fois que l’État de droit était menacé. C’est notamment en cas de négation des droits de la personne humaine fondamentalisés et constitutionnalisés par le constituant du 18 février 2006 et en l’absence de toute autre juridiction à même de les rétablir. A ce jour, elle s’appuie aussi sur les législations et la jurisprudence constitutionnelle comparées, en ce qu’elles reconnaissent au juge constitutionnel la compétence de protéger l’État de droit incarné par la Constitution, volonté du peuple, seul détenteur de la souveraineté, même en l’absence de texte ». Dans cet arrêt, la Cour dispose en ces termes : « la Cour, siégeant en matière de constitutionnalité, déclare l’arrêt sous REA 183 du 27 mai 2022 du Conseil d’État pour l’élection du Gouverneur et du Vice-Gouverneur de la Province de la Mongala contraire à la Constitution, et partant nul et de nul effet ». Un dispositif jurisprudentiel qui mérite d’être critiqué pour le bonheur et l’évolution de la science[9]. En effet, le juge constitutionnel veut nous faire savoir d’une part, qu’il peut créer le droit, ou ajouter les sources de référence qui lui donneraient pouvoirs pour son contrôle, hormis ceux prévus par la constitution et la Loi-organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle (articles 43 à 53).
Aux termes des articles 1er, 60, 62 alinéa 2, 150 suivants Cst, appellent tous les trois pouvoirs et les citoyens à la soumission au droit, notamment la constitution. L’article 60 Cst., dispose que : « Le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacrés dans la Constitution s’impose aux pouvoirs publics et à toute personne »[10]. En effet, la cour constitutionnelle faisant partie aussi des pouvoirs publics, est tenue de respecter la constitution, où elle tire son fondement. Car, le fait pour elle de tirer sa légitimité dans la constitution ne lui donne pas, la supériorité sur la constitution.
Cependant, l’article 150 al.1-2 Cst., dispose que : « Il est institué un ordre de juridictions judiciaires, composé des cours et tribunaux civils et militaires placés sous le contrôle de la Cour de cassation. Sans préjudice des autres compétences qui lui sont reconnues par la présente Constitution ou par les lois de la République, la Cour de cassation connaît des pourvois en cassation formés contre les arrêts et jugements rendus en dernier ressort par les cours et tribunaux civils et militaires »[11]. Il y a la Loi-organique n° 13/011-B du 11 avril 2013 portant organisation, le fonctionnement et les compétences des juridictions de l’ordre judiciaire. Pour l’ordre administratif, c’est la Loi-organique n° 16-027 du 15 octobre 2016 portant organisation, compétence et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif. En effet, les voies de recours dans tous les cas, sont assurer seulement par les juridictions concernées dans ces ordres, et la constitution affirme de manière implicite l’inexistence d’une juridiction supérieure à la cour de cassation. Par conséquent, les arrêtes du conseil d’Etat, voire de la cour de cassation sont non susceptibles de recours et le contrôle des décisions des juridictions inférieures à ces derniers, ne pouvait en aucun cas être par une autre juridiction quel que soit son rang ou sa nature.
Aujourd’hui, les décisions judiciaires (jugements et arrêts) peuvent faire l’objet du contrôle d’inconstitutionnalité depuis l’arrêt de la cour constitutionnelle sur l’inconstitutionnalité de l’arrêt sous REA 183 du 27 mai 2022 du conseil d’Etat. Ainsi, la question majeure, c’est sur la vraie nature juridique de la compétence exercée par le juge constitutionnel dans cette affaire. Est-ce, il s’agit d’un contrôle de constitutionalité ? Dans l’affirmative, c’est sur pied de quelle disposition constitutionnelle ou de la loi organique à la matière ? Dans la négative, est-ce, ne s’agit-il pas de la remise en cause d’une part des voies de recours dont le conseil d’Etat et la cour de cassation seraient compétents de connaitre ? D’autres parts, d’un juge des recours masqués, déguisés ou justifiés contre les décisions des juridictions de l’ordre judiciaire et/ou administratif.
Ceci étant, il sied d’étudier ici, les ou l’outil(s) et l’étendu du contrôle de constitutionnalité(I), puis terminons par la procédure de constitutionalité des lois (II).
I. Les ou l’outil(s) et l’étendu du contrôle de constitutionnalité
A. La ou les normes
Il est question de vérifier ici, l’instrument ou l’outil de travail du juge constitutionnel, qu’il utilise dans le contrôle de constitutionnalité.
Aux termes de l’article 160 alinéa 1 Cst., la Cour constitutionnelle est chargée du contrôle de la constitutionnalité des lois et des actes ayant force de loi. En sus, la Cour constitutionnelle est juge de l’exception d’inconstitutionnalité soulevée devant ou par une juridiction (article 162 al.1 Cst). En effet, ces dispositions prouvent à suffisance que la constitution est la seule et l’unique norme de référence. C’est-à-dire, le juge constitutionnel ne pouvait en aucun cas inventer une norme de référence, c’est la constitution congolaise qui lui donne la norme. Par exemple, il ne peut pas opérer le contrôle d’une loi en se servant d’un traité, au motif qu’il est supérieur aux lois (article 217 Cst). Il n’est pas le juge de conventionnalité.
Par ailleurs, en France le conseil constitutionnel possède beaucoup d’outils lui permettant d’opérer le contrôle de constitutionnalité. Ces instruments font partie du bloc de constitutionnalité, c’est depuis 1971[12]. En effet, le terme « constitution » en France, a une conception assez large, contrairement en République Démocratique du Congo, c’est restreint.
Ainsi, le Juge constitutionnel congolais n’a que la constitution congolaise en vigueur, la référence qu’il doit utiliser en matière de constitutionalité des lois. Il ne peut pas inventer, car il n’est pas législateur, moins encore un constituant. Dans la loi-organique, on peut trouver les dispositions procédurales et non pour le contrôle, car, pour le contrôle a posteriori, son auteur ne peut que viser la liberté ou un droit fondamental, lequel ne se trouve que dans la constitution (voir le titre II par exemple de la constitution).
La suprématie constitutionnelle ne signifie pas que, toute les sources faisant partie de l’ordonnancement juridique constitutionnel[13], doivent faire l’objet du contrôle de constitutionalité. Non, le premier est un principe, et le second est un contrôle dont l’étendu est prédéfini par le constituant congolais. Voyons alors le champ d’application dudit contrôle.
B. Le champ d’application ou étendu du contrôle de constitutionnalité
Les actes inclus dans le contrôle de la constitutionalité, sont perceptibles aux articles 160 al.1-3 ,161, 162 al.2, 216, 221 Cst. Il s’agit de : traité ou accord international comportant une clause contraire à la Constitution non encore ratifié ou approuvé, lois-organiques, les lois, actes ayant force de la loi et les actes règlementaires.
Par ailleurs, le juge constitutionnel connaît des recours contre les arrêts rendus par la Cour de cassation et le Conseil d’Etat, uniquement en tant qu’ils se prononcent sur l’attribution du litige aux juridictions de l’ordre judiciaire ou administratif (article 161 al.4 Cst.). De cette lecture, le constituant pose l’interdiction d’une manière absolue de soumettre une jurisprudence au contrôle de constitutionalité. S’il avait permis de manière indirecte, il aurait pu utiliser l’adverbe de manière « Notamment », et non « uniquement ».
Le constituant soumet les lois organiques, avant leur promulgation, et les Règlements Intérieurs des Chambres parlementaires et du Congrès, de la Commission électorale nationale indépendante ainsi que du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication, à un contrôle obligatoire avant leurs promulgations. Qu’en est-il alors des lois référendaires ou des lois constitutionnelles ? Est-ce, est-il logique de ne pas retrouver ces dernières sur la liste des lois énumérées par le constituant ?
Aux termes de l’article 218 de la Cst, elle énumère de manière limitative, les acteurs qui peuvent participer à l’initiale ou les étapes de la révision constitutionnelle, sans pour autant associer le juge constitutionnel. Selon l’article 219 Cst. : « Aucune révision ne peut intervenir pendant l’état de guerre, l’état d’urgence ou l’état de siège ni pendant l’intérim à la présidence de la République ni lorsque l’Assemblée nationale et le Sénat se trouvent empêchés de se réunir librement »[14]. En effet, le constituant a établi la cour constitutionnelle, non pas principalement comme arbitre entre les pouvoirs règlementaire et parlementaire, mais bien plus comme le gardien, le protecteur de la constitution contenant les normes des pouvoirs, et aussi les droits et libertés constitutionnellement garantis.
Abondant dans le même sens, la constitution institue aussi la cour constitutionnelle faisant partie du pouvoir judiciaire comme, le gardien de la constitution[15]. A cet effet, nous pensons que, c’est prudent d’associer le juge constitutionnel dans le processus de la révision constitutionnelle(loi référendaire), juste avant que cette dernière ne soit promulguée. C’est pour protéger la constitution contre les politiciens qui pourraient initier cette procédure, à des fins égoïstes, d’une part. C’est le ça par exemple du président de la république qui tenterait l’initiative afin de se protéger ou protéger une classe positive, avec espoir de la modification constitutionnelle lorsqu’il a la majorité parlementaire. En effet, nous souhaitons aux vues de raisons avancer, l’intervention du juge constitutionnel dans ce processus, laquelle devait se limiter seulement au respect procédural, car la constitution par exemple, interdit strito sensus, la révision constitutionnelle sur certaines matières et circonstances. Par conséquent, il est nécessaire de tenir compte de ces observations à la prochaine révision.
Le professeur Kaluba Dibwa souligne à la lumière de l’article 5 de la Constitution que, les lois référendaires sont unanimement exclues du champ du contrôle du juge constitutionnel pour la raison bien simple qu’elles sont l’expression directe de la souveraineté nationale[16].
Ainsi, l’étendu du contrôle de constitutionalité en droit congolais est tracé de manière limitative et exclusive. Par conséquent, le juge lui son rôle, c‘est de contrôler, à la limite constater, et non de créer, pour ne pas fouler aux pieds les objectifs du constituant. Qu’en est-il alors de la procédure en matière de constitutionnalité ?
II. La procédure de constitutionalité du juge constitutionnel congolais
La procédure se diffère selon le type de contrôle. En effet, il y a le contrôle par voie d’action d’une part, et par voie d’exception d’autre part (articles 160-162 Cst).
A. Contrôle par voie d’action (a priori)
Des dispositions sus évoquées, il ressort les caractères suivants : un contrôle restreint et politique, et un contrôle préventif de la constitution aux lois.
1. Un contrôle restreint et politique
A la lumière de l’article 68 de la Cst, qui énumère 4 institutions de la république démocratique du Congo, le trois premières dont, le président de la république, le parlement et le gouvernement font partie des pouvoirs exécutif et législatif qui font la politique.
Cependant, ce contrôle est ouvert à un nombre de personnes bien limité, à savoir : le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat ou le dixième des députés ou des sénateurs. Le Procureur Général près la Cour peut également saisir la Cour constitutionnelle pour un contrôle a priori des actes cités ci-dessus, à l’exception des traités et accords internationaux, lorsqu’ils portent atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine ou aux libertés publiques[17].
Par rapport au délai, la procédure ne pouvait pas dépasser 30 jours, et dans certaines mesures, il peut être abrégé à 8 jours[18].
2. Caractère du contrôle préventif de la constitution aux lois et objectif
La constitution parle de manière indirecte d’un procès contre, les traités, lois organiques, règlements des assemblées, … qui ne sont pas encore promulgués (ou approuvé pour le traité). En effet, il s‘agit d’un procès contre la loi, et non contre un adversaire (articles 160-162 et suivant Cst.).
Que donc, dans ce contrôle à priori, le juge constitutionnel ne précède pas seulement la promulgation de lois qui peuvent ou lui doivent être soumises au contrôle de conformité à la constitution, et aussi, son intervention dans le contrôle desdites lois, est sans intermédiaire, contrairement avec le contrôle a posteriori dont, la procédure mérite d’être étudiée.
B. Contrôle par voie d’exception (a posteriori)
Une loi votée ayant fait l’objet de promulgation puis entrée en vigueur, cela ne signifie pas que cette loi est conforme à la constitution. Elle pourra être confrontée à des inconstitutionnalités ultérieurement. C’est ainsi, les citoyens, pourront confronter la loi à ces inconstitutionnalités par le biais de l’exception d’inconstitutionnalité ou de la question prioritaire.
Aux termes de l’article 162 alinéas 3-4 de la Cst : « Elle peut en outre, saisir la Cour constitutionnelle par la procédure de l’exception de l’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui la concerne devant une juridiction. Celle-ci sursoit à statuer et saisit, toutes affaires cessantes, la Cour constitutionnelle »[19]. Le juge constitutionnel a affirmé que, l’exception d’inconstitutionnalité n’est possible et réalisée que sur production d’un arrêt ou jugement avant dire droit rendu par la juridiction saisie de la cause lors de l’examen de laquelle cette question prioritaire préjudicielle est invoquée, non pas in limine litis, comme l’a laissé entendre la circulaire n° 001 du 7 mars 2017 du Premier Président de la Cour de cassation, mais plutôt à toute hauteur de la procédure[20].
Par ailleurs, le tribunal de grande Instance de Kinshasa Ngombe s’est aussi fondé à la circulaire sus évoquée pour répondre à la demande du prévenu Kamerhe au procès 100jours. Il révèle : « d’une part que, ce moyen est impertinent en ce que d’une part, il n’est pas soulevé in limine litis, donnant ainsi l’air d’un dilatoire et d’autre part, une requête en inconstitutionnalité introduite devant la Cour Constitutionnelle par une partie est inopérante devant le juge de fond qui ne peut donc pas sursoir à l’examen de la cause »[21].
Cependant, nul ne peut savoir quelle sera la loi qui sera appliquée durant la procédure, d’où c’est à tort de dire que cette exception doit être soulevé in limine litis, à moins que les justiciable soient magiciens pour savoir toutes les dispositions des lois qui seront utilisées par les magistrats au cours d’un procès[22].
Que donc, de cette lecture constitutionnelle et jurisprudentielle, le constituant réserve seul au juge constitutionnel, le monopole du contrôle de constitutionnalité, et fait intervenir préalablement les juridictions de l’ordre judicaire et administratif, qui font l’intermédiaire ou le tamisage.
De ce qui précède, on peut tracer les conditions formelles et du fond.
1. Formes
La constitution et la jurisprudence n’imposent pas l’écrit, dans la pratique, l’auteur pose ce moyen verbalement. En effet, ce moyen peut aussi être posé par écrit, lequel doit être différent des autres conclusions écrites ou des actes principaux d’instance (demande d’introduction d’instance, citation directe,…). Cependant, devant certaines juridictions notamment spécialisées, l’écrit doit être exigé. C’est le cas par exemple de l’article 246 al.1-2 du code judiciaire militaire, qui dispose que : « Quelle que soit la manière dont elle est saisie, la juridiction devant laquelle le prévenu est traduit apprécie sa compétence d’office ou sur déclinatoire. Si le prévenu ou le Ministère Public entend faire valoir des exceptions concernant la régularité de la saisine ou des nullités de la procédure antérieure à la comparution, il doit, à peine d’irrecevabilité et avant les débats sur le fond, déposer un mémoire unique »[23].
2. Fond
La constitution et la jurisprudence précisent que, toute personne peut, saisir la Cour constitutionnelle par la procédure de l’exception de l’inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui la concerne devant une juridiction (article 162 Cst). Il sied de préciser que la lettre de cette disposition est parfois vague et imprécise. En effet, toute « personne » dont question, il s’agit premièrement de toute partie au procès qui se verrait être appliquée une disposition légale (au sens général), ensuite, c’est le ministère public, et enfin, le juge. Car, il s’agit d’un moyen d’ordre public. Lorsque le moyen est soulevé d’office, le juge doit en principe le soumettre aux parties au procès pour les observations, afin de respecter le principe du contradictoire. Dans tous les les trois cas invoqués, le juge du fond sursoit à statuer et saisit, toutes affaires cessantes, la Cour Constitutionnelle.
Le juge du fond est tenu de sursoir au profit du juge constitutionnel pas seulement, par ce que ce dernier en a le monopole, mais bien plus, car ici, le juge du fond est juge de l’action et non de l’exception.
De ce qui précède, soulignons que, ce moyen qui peut être soulevé par une partie au procès ou d’office à condition de l’applicabilité de la disposition au litige, ensuite, le juge du fond doit se déclarer préalablement saisie par rapport à l’action principale, car l’accessoire subit toujours, le sort du principal, et enfin, le juge constitutionnel dans son arrêt sus évoqué, précise qu’il peut être soulevé à tout auteur de la procédure, à la limite avant la clôture des débats, contrairement à ce que prévoyait la circulaire sus évoquée.
Malheureusement, nous ne sommes pas d’avis, ni sur cette circulaire moins encore à la position du la cours constitutionnelle en ce qui concerne le moment où devrait être soulevée, l’exception d’inconstitutionnalité. En effet, un moyen d’ordre public veut aussi dire, qu’il est soulevable à tout moment (en appel et en cassation), avant la clôture des débats. Nous estimons que, si pour le juge constitutionnel, il ne peut pas être soulevé « in limine litis », il devait à la limite en matière pénale, se limiter avant la clôture de l’instruction, et non jusqu’à la phase des débats ou plaidoiries. C’est pour des raisons suivantes :
- Pendant cette phase, le juge cherche a être éclairé dans sa religion, il l’occasion de contraire la loi pénale dont le prévenu est poursuivi ;
- Le prévenu par exemple, lors de l’instruction est censé contre les faits pour lesquels, il est poursuivi et avec des dispositions, constituant le sous-bassement. Attendre la plaidoirie, pour moi ça n’a aucune raison fondée, si ce n’est qu’une manœuvre dilatoire de sa part, et
- Pour le ministère public de même, c’est le cas par exemple lorsque le tribunal est saisi par voie de citation directe. C’est logique, qu’il soulève ce moyen à la limite, au moment de l’instruction. Car, dans tous les cas, les faits, préventions et dispositions légales sont connues au moment de l’instruction.
Ainsi, le juge du fond après vérification des conditions sus-évoquées, transfert à la cour constitutionnelle à qui la compétence est confiée. Le premier juge, il ne peut pas avancer avec le procès objet de la question prioritaire de constitutionnalité, avant que la cour constitutionnelle ne se prononce.
Conclusion
Nous voici à la fin de notre article sur « La place déguisée occupée par la Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo dans les ordres des juridictions judiciaires à l’issue de son arrêt du 22 juillet 2022, en inconstitutionnalité de l’arrêt REA 183 du 27 mai 2022 du Conseil d’État ». A la lumière de l’exposé des motifs, des articles 153, 154 et suivants de la Constitution et des lois-organiques des ordres judiciaire et administratif, la cour constitutionnelle ne peut en aucun se transformer, ni au juge d’appel ou de cassation des décisions rendues par les juridictions des ordres sus évoqués. En sus, il n’est en aucun cas supérieurs ni à la cour de cassation ou conseil d’Etats. En effet, la compétence d’attribution en cas des conflits des compétences, ne concerne pas le fond du litige, mais bien plutôt la forme, uniquement sur la question de compétence.
Par ailleurs, nous nous sommes posé une question principale sur « la vraie nature juridique de la compétence exercée par le juge constitutionnel dans son arrêt du 22 juillet 2022, en inconstitutionnalité de l’arrêt REA 183 du 27 mai 2022 du Conseil d’État ? ». En effet, l’intérêt de cette problématique, c’est de relever d’une part, l’incompétence du juge constitutionnelle, et d’autres parts, révéler sa primauté, et la compétence déguisée sur les voies de recours ne relevant pas de sa compétence.
Cependant, nous avons dans un premier temps, vérifier la norme de référence et l’étendu du contrôle de constitutionnalité, puis dans un second temps, il a été question de la procédure de la constitutionnalité des lois. En effet, nous avons fait une analyse et une lecture très profonde sur les dispositions ayant trait à la matière, et avons souhaité que la loi référendaire fasse objet du contrôle de constitutionnalité par vois d’action, seulement sur le plan formel ou procédural. Ça sera une protection efficace de la révision constitutionnelle, surtout sur les circonstances liées au temps. Tel que, pendant l’état de siège ou d’urgence. Cette protection constitutionnelle, c’est contre toute initiative de la révision constitutionnelle venant du chef de l’Etat ou représentant du peuple, lorsque la procédure ne serait pas observée.
Quant à la procédure, ça dépend des contrôles a priori ou a posteriori. En effet, le premier concerne le texte qui ne sont pas encore promulgués dont pour certains, le contrôle est obligatoire, et facultatif pour d’autres. Enfin, pour le second, c’est le cas de l’exception d’inconstitutionnalité, soulevée par toute partie au procès qui se verrait appliquer une disposition dont il prêtant avoir violé son ou ses droits fondamentaux. En effet, l’exception d’inconstitutionnalité, telle que consacrée par la constitution, c’est aussi un droit fondamental (un droit subjectif).
Ainsi, le juge constitutionnel qui s’est déclaré compétent alors qu’il ne l’est pas, il remet en cause le pouvoir lui donné par le constituant ou le peuple d’où, il tire sa légitimité. Aujourd’hui, depuis son arrêt du 22 juillet 2022, il est devenu d’une part, un juge de recours déguisé relevant de la compétence des juridictions des ordres judiciaire ou administratif. D’autre part, il a fait une intégration masquée dans les deux ordres, en prenant le chapeau sur la cour de cassation et conseil d’Etat, chose qui est contraire à la constitution.